Saint Augustin : un guide pour comprendre Les Confessions

Découvrez, grâce à une biographie et quelques clés de compréhension théologiques, comment Les Confessions de saint Augustin éclairent sa conversion, sa pensée spirituelle et développent de grands thèmes fondateurs de la foi chrétienne.

Publié le
25/11/25
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Introduction : le contexte historique des Confessions de saint Augustin

Œuvre incontournable de la littérature chrétienne antique, les Confessions de saint Augustin d’Hippone engagent le lecteur dans l’itinéraire spirituel et intellectuel de cette immense figure du christianisme. Véritable autobiographie, cette œuvre, composée de treize livres, mêle expériences de vie, méditations et prières. Au-delà de la seule vie de l’évêque d’Hippone, elle éclaire de manière universelle les relations intimes entre Dieu et les hommes.

Quand Augustin écrit ses Confessions à la fin du IVe siècle, l’Empire romain est en pleine phase de christianisation. En 313, l’empereur Constantin publie un édit de tolérance du christianisme. En 380, cette religion devient la religion officielle de l’Empire. Saint Augustin commence la rédaction de son autobiographie spirituelle peu d’années après.

Malgré la christianisation de l’Empire romain, l'Église chrétienne reste encore longtemps en but à la persistance du paganisme. Il lui faut poursuivre le travail engagé depuis l’origine d’interprétation des Écritures, structurer ses dogmes, faire face à de nombreuses déviances doctrinales, les hérésies. Saint Augustin prend ainsi la suite d’une longue lignée d’auteurs chrétiens qui vont inspirer les grands Conciles fondateurs de la Tradition, qu’on nomme les Pères de l’Église. Les Confessions sont ainsi l’un des textes de référence de la foi chrétienne.

Saint Augustin a vécu en Afrique du Nord au tournant des IVeet Ve siècles. Il est évêque d’Hippone. C’est peu après être devenu évêque, en 395, qu’il commence à rédiger ses Confessions.

Dans cet article, nous allons vous donner les clés de compréhension de ces treize livres pour mieux appréhender leur portée spirituelle et la manière dont ils peuvent éclairer la foi de chacun.

Ary Scheffer, Saint Augustin et Monique, 1854

Le saint Augustin des Confessions : une trajectoire de converti

Jeunesse et formation de saint Augustin

Augustin d’Hippone, Aurelius Augustinus de son nom latin, est né en 354 à Thagaste, dans l’actuelle Algérie, alors province de l’Empire romain. Son père, Patricius est un petit propriétaire terrien. Sa mère, Monique, est une femme éduquée et une fervente chrétienne. Elle est une figure centrale du parcours de foi d’Augustin. Elle prête une grande attention à l’éducation de son fils, qui étudie la grammaire puis la rhétorique. Pour autant, saint Augustin se présente lui-même comme un enfant indiscipliné, comme en témoigne un épisode de son adolescence, où, accompagné d’une bande de “jeunes vauriens”, il dérobe les fruits d’un poirier dans un domaine voisin.

“Il y avait, à proximité de notre vigne, un poirier chargé de fruits que ni leur beauté ni leur goût ne rendaient alléchants. Pour secouer cet arbre et le piller, notre bande de jeunes vauriens organisa une expédition en pleine nuit […] et nous avons emporté de là une énorme charge de fruits ; ce n’était pas pour nous en régaler, mais seulement pour les jeter aux porcs ; et même si nous en avons mangé quelques-uns, l’essentiel était pour nous le plaisir attendu d’un acte défendu.” - Les Confessions, livre II, chapitre IV

À la suite de la mort prématurée de son père, Augustin part continuer ses études à Carthage, qui est alors une ville importante de l’Afrique du Nord romaine. La cité est alors un centre universitaire et mondain dans cette partie de l’Empire. Âgé de 17 ans, il poursuit ses études de langue latine et de rhétorique, mais sans faire de philosophie. Il est intéressant de noter que s’il maîtrise la langue de Rome, il ne connaît pas la langue grecque, celle des grands philosophes. Le séjour carthaginois d’Augustin est aussi l’occasion pour lui de la découverte des plaisirs de la chair.

“Je vins à Carthage et autour de moi, partout, crépitait la rôtissoire des honteuses amours. Je n’aimais pas encore et j’aimais à aimer ; et par une indigence plus profonde je me haïssais d’être moins indigent.” - Les Confessions, livre III, chapitre I

C’est aussi durant son séjour de jeunesse à Carthage qu’il rencontre la femme qui partage sa vie pour quinze ans, mais dont on ne connaît pas le nom. De cette union naît un fils, Adéodat.

Errements spirituels et quête intellectuelle

À 19 ans, alors en pleine quête intellectuelle et spirituelle, Augustin lit l’Hortensius de Cicéron, un ouvrage de philosophie profane. Issu d’une formation de rhétorique le poussant à préférer la “forme” au “fond”, cette lecture s’avère importante pour lui. Elle le mène vers la recherche de la sagesse, bien qu’il déplore l’absence de la mention du Christ dans ce texte.

“Et une seule chose venait briser l’élan d’une telle flamme : le nom du Christ n’était pas là ; or, ce nom, de par ta miséricorde, Seigneur, ce nom de mon Sauveur, ton Fils, déjà dans le lait d’une mère, mon cœur d’enfant l’avait pieusement bu, et il gardait au fond, et sans ce nom nulle œuvre, fut-elle littéraire et bien soignée et pleine de vérité, ne me ravissait entièrement.” - Les Confessions, livre III, chapitre IV

C’est encore à Carthage qu’Augustin, en plein questionnement spirituel, se convertit au manichéisme. Le manichéisme est un courant religieux juxtaposant différentes traditions religieuses, aussi bien issues des religions orientales que du christianisme, alors encore relativement nouveau. Cette religion connaît une forte diffusion dans l’Empire romain, notamment au IVe siècle. Fondamentalement, le manichéisme est une religion dualiste, considérant que le bien et le mal sont deux substances opposées. D’un côté, le bien, de nature spirituelle, est la reconnaissance de la part de divinité dans l’esprit de chacun, révélée par la connaissance. De l’autre, le mal est essentiellement matériel et correspond au monde physique pouvant être corrompu. De son aveu, Augustin adhère à cette religion car elle lui apporte une solution simple et satisfaisante à la question du mal qui le tourmente.

Après avoir été quelques temps professeur de rhétorique à Carthage, il décide, vers 383, de partir en Italie. Il s’établit d’abord à Rome où il entretient des relations, parfois houleuses, avec les sphères manichéennes locales. Par la suite, il part pour Milan, alors capitale de l’Empire romain, où il continue d’enseigner la rhétorique est appelé à occuper la prestigieuse chaire de rhétorique. Il se fait rapidement remarquer, et écrit notamment des discours pour le jeune empereur romain.

La conversion au christianisme de saint Augustin

À Milan, il rencontre l’évêque saint Ambroise. Figure intellectuelle de premier plan, celui-ci impressionne profondément Augustin. D’abord attiré par la qualité oratoire de ses sermons, Augustin se laisse peu à peu toucher par le message chrétien qu’ils véhiculent et surtout par la manière dont l’évêque interprète la Bible. L’approche allégorique et symbolique d’Ambroise résonne davantage en lui que la lecture littérale des Écritures à laquelle il avait été formé en Afrique du Nord. Augustin se rapproche alors de l’évêque de Milan, bientôt rejoint par sa mère, Monique.

Augustin a beau être proche d’Ambroise, il n’est pour autant toujours pas chrétien. Dans ses Confessions, il fait donc le récit des conflits intérieurs qui le traversent à cette période. La quête spirituelle du futur évêque d’Hippone n’est toujours pas achevée, laissant celui-ci dans la souffrance et l’insatisfaction. Augustin est profondément marqué par la vie de saint Antoine, ce saint qui a renoncé à tout pour suivre le Christ. Alors qu’il discute avec des compatriotes dans un jardin, il raconte alors avoir entendu une voix d’enfant chantant une comptine qu’il interprète comme un signe de Dieu l’invitant à lire un livre de l’apôtre Paul resté posé dans le jardin.

“Et voici que j’entends une voix, venant d’une maison voisine ; on disait on chantant et l’on répétait fréquemment avec une voix comme celle d’un garçon ou d’une fille, je ne sais : « Prends, lis ! Prends, lis ! ». […] J’ai refoulé l’assaut de mes larmes et me suis levé, et ne voyant là plus qu’un ordre divin qui m’enjoignait d’ouvrir le livre, et de lire ce que je trouverais au premier chapitre venu” - Les Confessions, livre VIII, chapitre XII

C’est la lecture de ce livre de Paul, l’Épitre aux romains, qui achève la conversion d’Augustin au christianisme. Cette conversion entraîne d’importants changements dans sa vie. Il abandonne son métier de rhéteur, part en retraite spirituelle et est baptisé par Ambroise en 387 lors de la nuit de Pâques.

Augustin, évêque d'Hippone

Peu après sa conversion et son baptême, Augustin retourne en Afrique romaine avec sa mère Monique et son fils Adéodat, où ils adoptent un mode de vie monacal. Pour autant, il est rapidement remarqué par l’évêque local, Valerius, qui l’appelle auprès de lui, comme son successeur. Augustin devient finalement évêque d’Hippone en 395. Durant son ministère, il lutte contre le manichéisme et différentes hérésies. Il produit de nombreux sermons, traités, écrit de nombreuses lettres. La plupart de ces écrits ont pu être conservés et transmis : Les Confessions, qui sont rapidement célèbres, un ample traité sur la Trinité, des commentaires de la Bible, une vaste théologie de l’histoire : La Cité de Dieu.

Augustin reste évêque d’Hippone jusqu’à son décès en 430, alors que les Vandales, qui ont envahi l’Afrique romaine, font le siège de sa ville.

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Trois grands thèmes des Confessions de saint Augustin

Le péché, la volonté et la nécessité de la grâce

Dans sa vie telle qu’il la rapporte dans ses Confessions, Augustin est longtemps aux prises avec la question du mal. Il s’interroge particulièrement sur son origine et sur la manière dont l’Homme peut, avec la grâce de Dieu, le surmonter.

La question de la nature du mal

C’est principalement le paradoxe entre l’existence du mal et celle d’un Dieu bon qui mobilise sa réflexion. Il explique sa conversion au manichéisme comme un moyen de trouver une réponse à ces questions, sans qu’elle lui apporte pourtant une complète satisfaction. Avec sa conversion finale au christianisme, il parvient cependant à une conclusion logique : le mal n’est pas une substance (il n’existe pas par lui-même), mais une absence du bien. Le mal ne peut être une substance, car si tel était le cas, il serait nécessairement bon. Tout ce que Dieu crée, en effet, puisqu’il est souverain bien et créateur de toute réalité, ne peut être que bon.

Le mal étant une absence de bien, le péché est donc selon Augustin une perversion profonde de la volonté humaine, un acte d’orgueil et d’amour de soi qui détourne de Dieu. Le péché originel est ainsi compris comme celui qui fausse la perception de la nature originellement bonne de la créature. Pour Augustin, le mal moral consiste donc à s'attacher aux biens inférieurs et à se détourner de Dieu. Dans l’épisode du vol des poires, il explique avoir fait le mal par simple plaisir de faire ce qui était défendu, s’en réjouissant, quitte à ne même pas consommer le fruit du forfait.

Le combat intérieur d'Augustin et la lex peccati

Le combat intérieur contre le péché est un aspect important de l’œuvre de saint Augustin. Il décrit sa conversion comme une lutte intérieure déchirante entre deux volontés opposées : l’une ancienne et charnelle, attachée aux désirs et aux habitudes, et l’autre nouvelle et spirituelle, tournée vers Dieu. Ce conflit révèle une volonté "malade" et "incomplète" : bien qu’il veuille choisir le bien, Augustin constate que sa volonté, lorsqu’elle se commande à elle-même, lui résiste. Ce déchirement n’est pas le signe de deux esprits contraires – rejetant ainsi toute interprétation manichéenne – mais le témoignage du châtiment d’une âme divisée. L’obstacle fondamental à la conversion n’est donc pas l’ignorance, mais la puissance de l’habitude (consuetudo), que le philosophe nomme la "loi du péché" (lex peccati). Ses actions passées ont tissé des "chaînes d’habitudes" qui enserrent sa volonté et la maintiennent captive, le tirant vers le péché malgré son désir de s’en libérer. Ainsi, Augustin met en lumière le combat intérieur entre la grâce et la servitude du vice, révélant la nécessité d’une aide divine pour briser les liens de l’habitude et rendre la volonté véritablement libre.

La nécessité de la grâce divine

Face à l’impuissance de la volonté humaine et au poids de l’habitude, Augustin affirme que la seule issue réside dans la grâce divine. Selon lui, le salut ne peut venir que de Dieu : sans la grâce, l’homme, faible et soumis au péché, est incapable de se sauver par ses propres forces. Cette aide extérieure, don gratuit du Créateur, donne à la créature le pouvoir d’agir lorsque son vouloir est défaillant. Recevoir cette grâce suppose toutefois de la désirer et de reconnaître sa dépendance envers Dieu, comme l’exprime sa célèbre prière : « Donnez-moi ce que vous m’ordonnez, et ordonnez-moi ce qu’il vous plaît. » Ce rapport de dépendance atteint son apogée dans le récit de sa conversion, au Livre VIII des Confessions. En proie à l’angoisse dans le jardin de Milan, Augustin entend la voix d’un enfant répéter : « Prends, lis ! ». Il obéit, ouvre les Épîtres de Paul et découvre un passage l’invitant à renoncer à la débauche. À cet instant, dit-il, « toutes les ténèbres du doute se dissipèrent ». Ce signe marque la victoire de la grâce sur la résistance intérieure. Enfin, Augustin reconnaît en Jésus-Christ le seul médiateur entre Dieu et les hommes : lui seul peut guérir l’âme blessée et offrir le salut. Par son sacrifice rédempteur, le Christ devient pour Augustin la voie, la vérité et la vie (Jn 14, 6), source de la grâce qui le libère définitivement du péché.

Ainsi, à travers ses Confessions, Augustin offre bien plus qu’un simple récit spirituel : il propose une véritable anthropologie de la faiblesse et de la guérison possible. En reconnaissant que le mal naît de la défaillance de la volonté et que seule la grâce divine peut en libérer l’homme, il fonde une vision profondément chrétienne de la liberté humaine, non pas comme autonomie, mais comme dépendance féconde envers Dieu. La conversion d’Augustin devient dès lors le symbole exemplaire du combat intérieur entre le désir du bien et la servitude du péché, et l’expression lumineuse de la puissance transformatrice de la grâce.

La quête de Dieu par l’intériorité et la mémoire

Autre thème fondamental des Confessions, la quête de Dieu par l’intériorité et l’introspection qui lui permet d’exprimer des réflexions restées célèbres sur la mémoire et le temps. Après avoir longtemps cherché Dieu à l’extérieur, l’évêque d’Hippone découvre qu’Il est plus intérieur que ce qu’il y a de plus intime en lui.

Augustin et la quête de Dieu par l'intériorité

Augustin décrit un itinéraire spirituel marqué par un double mouvement : le passage de l’extérieur vers l’intérieur et de l’inférieur vers le supérieur, chemin d’élévation de l’âme vers Dieu. Influencé par le néoplatonisme, il découvre que la véritable rencontre avec le divin ne se fait pas à travers les sens, mais dans l’intériorité, là où réside la « lumière intérieure », la vérité proprement spirituelle. Les lectures philosophiques lui apprennent à se tourner vers son for intérieur, guidé par Dieu, et à comprendre que ce dernier est à la fois transcendant et immanent, « plus haut que le plus haut de moi, plus intime que le plus intime de moi ». Ce retour à soi permet à Augustin de reconnaître que le monde extérieur, qu’il avait longtemps interrogé, ne peut révéler Dieu que comme origine purement spirituelle. Ainsi, c’est dans le silence intérieur, et non dans la dispersion du monde, qu’il découvre la présence divine. Le Christ y apparaît comme la Sagesse éternelle qui éclaire l’esprit humain. Maître intérieur, il enseigne à l’homme la vérité et réalise pleinement l’idéal socratique du « connais-toi toi-même » : se connaître soi-même, c’est reconnaître en soi la trace de Dieu et s’élever vers lui.

« Malheur ! Malheur ! Par quels degrés ai-je été entraîné aux profondeurs de l’enfer, oui d’un enfer de souffrance et de fièvre, faute de vérité, alors que c’est toi, mon Dieu – je te le confesse à toi qui as eu pitié de moi, même quand je ne te confessais pas encore – alors que c’est toi que, non pas en suivant les lumières de l’intelligence qui me met selon ta volonté au-dessus des bêtes, mais en suivant le sens de la chair, c’est toi que je cherchais ! Mais toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même. » - Les Confessions, livre III, chapitre VI

Les confession : une œuvre de la mémoire

Augustin fait de la mémoire un lieu central de l’intériorité et de la présence divine. Véritable « palais immense » ou « sanctuaire de l’esprit », elle est, selon lui, une puissance de l’âme où se conservent les images sensibles, les connaissances, mais aussi les émotions et les affections du cœur. En explorant ces vastes demeures intérieures, Augustin découvre que la mémoire relie le passé au présent et donne unité à l’être dispersé par le temps. Elle est le « présent du passé », ce qui permet à l’homme de se reconnaître à travers la durée et d’unifier son existence. Les Confessions elles-mêmes se déploient comme une œuvre de mémoire, articulant le souvenir du passé, la conscience du présent et l’espérance du futur. Dans cette quête introspective, Augustin cherche Dieu au plus profond de sa mémoire et comprend que ce n’est pas hors d’elle qu’il peut le trouver, mais en elle, depuis que la Vérité divine s’y est déposée depuis toujours. Dieu, qui est la Vérité et la vraie Vie, est toujours présent dans notre âme, mais caché. Se convertir, c’est donc enlever ce voile pour le laisser apparaître. Augustin invite donc à revenir vers soi : c’est dans l’immensité de la mémoire, lieu de la présence divine, que l’âme peut rencontrer Dieu et se rencontrer elle-même.

Ainsi, à travers la quête de Dieu par l’intériorité et la mémoire, Augustin accède-t-il à une conception profondément spirituelle de l’homme : celle d’un être habité par la présence divine et appelé à se tourner vers l’intérieur pour y découvrir la Vérité. En faisant de la mémoire et du cœur les lieux de la rencontre avec Dieu, il fonde une véritable philosophie de l’âme, où la connaissance de soi devient le chemin du salut et de la voie d’accès à l’éternité.

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La nature du temps et la Création

La réflexion d’Augustin sur la nature du temps et la Création est indissociable de sa quête spirituelle personnelle. Elle permet de comprendre en quoi Dieu est un créateur éternel et immuable.

Saint Augustin et le temps

Pour prolonger sa réflexion sur la mémoire, Augustin propose alors une méditation profonde sur le temps, l’une des plus célèbres de la philosophie occidentale. Il s’interroge : « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. » Pour Augustin, le temps n’existe pas en dehors de l’esprit : il n’y a ni passé ni avenir réels, mais trois formes du présent vécues intérieurement. Le présent du passé est la mémoire, le présent du présent est l’attention, et le présent de l’avenir est l’attente. Ainsi, le temps n’est pas une réalité extérieure, mais une « distension de l’âme » qui mesure intérieurement le déroulement des choses. En opposition à cette temporalité mouvante, insaisissable, l’éternité divine est un « perpétuel aujourd’hui », sans succession ni changement. Dieu est immuable, présent à tout instant, tandis que l’homme, soumis au flux du temps, cherche dans cette méditation la paix et le salut de l’union avec l’éternité.

Le temps selon saint Augustin :

  • Le présent du passé, c’est la mémoire (le souvenir).
  • Le présent du présent, c’est l’intuition (l’attention).
  • Le présent de l’avenir, c’est l’attente.

La Création selon les Confessions

Les Confessions développent une réflexion majeure sur la Création, l’origine du monde et celle du temps, affirmant que Dieu est le Créateur absolu de toutes choses, visibles et invisibles. À la différence des théories païennes ou platoniciennes, Augustin rejette l’idée d’une matière éternelle et affirme la création ex nihilo, c’est-à-dire à partir de rien, sans que rien lui préexiste. Le monde, tant spirituel que matériel, trouve son origine dans le seul Verbe, le Fils de Dieu, par qui tout a été fait, comme l’affirme saint Jean dans le prologue de son Évangile. Cette conception entraîne une idée révolutionnaire : le temps lui-même commence avec la Création. Il n’existe donc pas d’ « avant » la Création. Le temps est lui aussi une œuvre divine. À la célèbre question « Que faisait Dieu avant de créer le ciel et la terre ? », Augustin répond qu’il n’y avait pas de temps avant que Dieu ne le crée. Dieu, éternel et immuable, n’est pas soumis à la succession des instants : il précède le temps non pas dans le temps, mais par la perfection de son éternité. En Dieu, tout est présent à la fois, dans un « perpétuel aujourd’hui » qui dispose du passé et de l’avenir. Ainsi, la Création manifeste à la fois la toute-puissance du Créateur et la dépendance du monde et du temps vis-à-vis de l’éternité divine.

Dans les Livres XII et XIII, saint Augustin approfondit sa méditation sur la Création à travers une interprétation spirituelle de la Genèse. Il cherche à comprendre les premiers versets — « Dans le principe, Dieu fit le ciel et la terre » — en y distinguant deux niveaux de création. Le « ciel du ciel », formé dans le principe, désigne la créature spirituelle, les anges, stables dans la contemplation de Dieu et participant à l’éternité sans lui être coéternels. La « terre invisible et informe », quant à elle, représente la matière première, informe et sans ordre, tirée du néant mais apte à recevoir la forme et à être façonnée par la volonté divine. Dans le Livre XIII, Augustin met en lumière l’action de la Trinité dans cet acte créateur : le Père est l’auteur de toutes choses, le Fils est le Principe et la Sagesse par qui tout a été fait, et l’Esprit-Saint, « porté au-dessus des eaux», symbolise la volonté immuable de Dieu et la charité divine qui donne repos à l’âme. La Création devient ainsi un acte d’amour trinitaire où le monde est issu de la bonté de Dieu. Les six jours de la Création représentent pour Augustin les étapes de l’ordre divin de l’Histoire et de la formation spirituelle de l’homme, tandis que le septième jour, sans soir ni déclin, figure le sabbat éternel, le repos parfait en Dieu où l’âme trouve enfin la paix et l’accomplissement de sa conversion dans l’éternité.

Theodoor Rombouts, Saint Augustin lave les pieds du Christ, 1636

Conclusion

Les Confessions de saint Augustin apparaissent ainsi comme une œuvre totale, à la croisée de la philosophie, de la théologie et de l’expérience spirituelle. À travers son parcours de conversion, son exploration de l’intériorité ou encore sa méditation sur le temps et la Création, Augustin offre une réflexion universelle sur la condition humaine et sur la présence de Dieu au cœur de l’âme. Son témoignage, à la fois intime et métaphysique, fait de l’homme un être en quête de vérité, déchiré entre le péché et la grâce, le temps et l’éternité. Plus de seize siècles après leur rédaction, les Confessions demeurent un texte fondateur, non seulement pour la pensée chrétienne, mais aussi pour toute réflexion sur la liberté, la foi et le sens de l’existence.

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Crédit photo : Inconnu, Scènes de la vie de saint Augustin d'Hippone, vers 1490

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