
Comment le Pape est-il élu ? Définition du conclave
Suite au décès du Pape François, les cardinaux doivent se réunir pour procéder à l’élection du nouveau Pape, c’est ce qu’on appelle un conclave. Mais comment cette assemblée fonctionne-t-elle ? Comment sélectionne-t-elle le prochain souverain pontife ? Comment définir le conclave ?
Sede vacante (le siège est vacant) : il faut élire un Pape
Avec le décès du Pape François, une page se tourne pour l’Église catholique. Les prélats, les personnalités importantes de l’Église, ont été appelés à Rome afin de préparer les funérailles du Saint-Père et l’élection du prochain Pape.
Le Pape est le chef spirituel de l’Église catholique romaine. Du point de vue de la tradition chrétienne, il est le successeur de Saint Pierre, à qui Jésus a confié la direction de son Église.
« Et moi [Jésus], je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle » - Mt 16 : 18
Le souverain pontife doit guider la foi catholique en interprétant les textes sacrés et la tradition héritée depuis les premiers temps de l’Église. Il doit veiller à l’unité des croyants et diriger l’Église, par exemple en organisant des conciles (des rassemblements d’évêques chargés de définir des points de doctrine). Enfin, il est le chef de l’État du Vatican.
À la mort d’un Pape, dans un premier temps, son décès est constaté par le camerlingue de la Sainte-Église romaine, l’un des cardinaux. À cette occasion, l’anneau du pêcheur, porté seulement par le Pape, est brisé, afin de marquer la vacance du pouvoir. Durant cette période, nommée Sede vacante, le camerlingue occupe la fonction de chef de l’Église. À ce moment, les cardinaux, des prélats nommés par le Pape décédé ou un Pape antérieur, se rassemblent au sein des congrégations générales afin de préparer les funérailles du Pape défunt et de se préparer à l’élection du nouveau aussi bien techniquement que spirituellement.
Le Pape est donc élu par les cardinaux, lors de ce que l’on nomme un conclave. Le conclave est l’élection ritualisée du Saint-Père, dont les temps et les procédures sont fixés par une constitution pontificale. Il doit se tenir entre 15 et 20 jours après la mort du souverain pontife, et, durant celui-ci, un nom doit obtenir deux tiers des voix pour être élu. Étymologiquement, conclave vient du latin cum clave (avec les clés, comprendre "fermé à clé"). En effet, l’une des grandes caractéristiques de l’élection du Pape est son caractère clos, car les cardinaux sont coupés du monde le temps du conclave.
Mais d’où vient ce processus ritualisé pour élire le Pape ?
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De l’acclamation au conclave
Tout d’abord, il faut rappeler que le conclave et le mode d’élection du Pape ne sont pas inscrits dans la Bible. Ceux-ci ont émergé et évolué avec la progressive installation de l’Église romaine et de ses traditions. D’ailleurs, le conclave en lui-même ne date même pas des premiers temps de l’Église ! Pour bien comprendre celui-ci, il convient donc de faire un détour par le passé.
Lors des premiers siècles du christianisme, l’évêque de Rome (c’est-à-dire le Pape) était élu par acclamation des fidèles romains, et non par des clercs. Dans ce contexte, il n’y avait pas encore de collège d’électeurs, ni même d’élection à proprement parler (au sens d’un processus démocratique). À plus forte raison, l’élection ne se déroulait pas dans un lieu clos. Ainsi, en 590 après Jésus-Christ, Grégoire le Grand est élu par acclamation de la foule romaine. Ajoutons d’ailleurs qu’à partir du premier empereur romain chrétien, Constantin (310-337), l’élection de l’évêque de Rome est aussi soumise, bien souvent, à la validation (voire à la nomination) de l’empereur. Il est important de noter qu’alors, l’empereur romain (puis l’empereur du Saint Empire romain germanique) tend à vouloir assumer le rôle de chef de l’Église face à un Pape conçu comme n’ayant qu’une primauté d’honneur par rapport aux autres évêques.
C’est au cours du Moyen-Âge que la position du Pape comme seul chef de l’Église, désormais Église catholique romaine, s’affirme. La réforme dite grégorienne menée par les Papes au cours du XIe siècle leur permet ainsi de s’extraire progressivement de l’influence impériale et de commencer à centraliser l’Église autour de l’évêque de Rome. Ainsi, en 1059, le Pape Nicolas II promulgue la bulle pontificale (un acte officiel) In Nomine Domini qui indique que seuls les cardinaux peuvent élire le Pape, faisant de l’acclamation par le peuple romain une étape secondaire et symbolique. C’est une étape importante en ce qu’elle restreint l’élection du Pape à un groupe de prélats. Cependant, il n’est pas encore possible de parler de conclave, car les électeurs ne sont pas encore enfermés dans un endroit clos.
Au cours du siècle suivant, alors que les tensions entre grandes familles italiennes font peser une menace sur la sécurité de l’élection du Pape, les cardinaux se rassemblent parfois dans un lieu isolé et clos afin d’assurer leur sûreté. C’est au XIIIe siècle, lors de l’élection du Pape à Viterbe (1268-1271) que se joue le premier « conclave » à proprement parler. En effet, suite au décès du Pape Clément IV en 1268, les cardinaux qui se retrouvent dans la ville italienne sont peu nombreux et appartiennent à des factions très opposées. Ils ne parviennent pas à trouver de consensus et l’interrègne s’éternise. Bien décidés à résoudre ce blocage, les citoyens de la cité enferment les cardinaux dans le palais épiscopal en murant ses issues. Si cela ne suffisait pas, ils ont en outre démonté le toit et rationné les vivres des prélats. Cette situation draconienne débouche sur l’élection du Pape Grégoire X. Pour la première fois, les cardinaux sont complètement enfermés à l’occasion du processus électif.
C’est durant le deuxième concile de Lyon, en 1274, que Grégoire X édite la bulle Ubi Periculum qui introduit les règles strictes du conclave :
- Les cardinaux doivent être logés dans un espace clos, sans possibilité de le quitter.
- Ils ne peuvent pas recevoir de visites, de cadeaux, ni même communiquer avec l’extérieur.
- Au bout de trois jours, si aucun cardinal n’est élu, le confort des électeurs est réduit et après huit jours,la nourriture est limitée à du pain, du vin et de l’eau.
Si cette bulle est annulée deux ans plus tard, en 1276, marquant le retour à des conclaves longs pouvant subir des contraintes extérieures, elle reste un jalon important dans la création des conclaves tels qu’ils ont lieu aujourd’hui.
C’est au XVe siècle, alors que l’Église fait face à une crise et que plusieurs prétendants revendiquent le titre de Pape, que la procédure du conclave est réellement mise en place. En 1417, le concile de Constance vise à remédier à cette situation. Une cinquantaine de cardinaux sont donc enfermés à clé afin qu’ils puissent élire un nouveau Pape légitime pour l’Église romaine. Ce concile, qui s’est transformé en conclave, réaffirme la bulle Ubi Periculum et à la suite de celui-ci, l’élection du Pape se fait toujours dans un lieu fermé à clé.
Ce sont les conceptions issues du concile de Constance qui perdurent ainsi jusqu’à la fin du XXe siècle. En effet, en 1996, le Pape Jean-Paul II publie la constitution du conclave telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui, Universi Dominici Gregis. En plus de codifier le calendrier de l’élection et la procédure, elle réaffirme l’importance de l’isolement des cardinaux, du caractère clos du conclave et de la majorité aux deux tiers des voix pour parvenir à l’élection du Pape.

Le déroulement d'un conclave aujourd'hui
Un conclave est donc un processus électif ritualisé. Il commence à la date arrêtée par les Congrégations générales, entre le quinzième et le vingtième jour suivant le décès du Pape. Une messe donnée dans la basilique Saint-Pierre ouvre le conclave, puis les cardinaux se rendent à la chapelle Sixtine pour procéder aux scrutins. Dans cette dernière, ils prêtent serment de respecter les règles de l’élection telles que fixées par la constitution Universi Dominici Gregis et écoutent une méditation sur la responsabilité qui est la leur.
Après ces premiers moments, la porte de la chapelle Sixtine est fermée, n’y demeurant que les cardinaux, qui procèdent au premier tour de l’élection. Le conclave, au sens littéral, commence à ce moment. Si à l’issue de ce premier scrutin aucun nom n’a obtenu la majorité des deux tiers des voix, l’élection est ajournée jusqu’au lendemain.
Mais qui peut être élu Pape ? Théoriquement, tous les prêtres sont susceptibles de pouvoir être élus par les cardinaux. En effet, la constitution pontificale fixe deux impératifs pour le candidat : être baptisé et pouvoir être ordonné évêque (c’est-à-dire être « au moins » prêtre). Il est cependant très improbable qu’un tel scénario se produise, en grande partie en raison du caractère clos du scrutin. En effet, les cardinaux sont entre pairs, qui théoriquement se connaissent et qui peuvent apprécier leurs opinions et de leurs qualités. Par ailleurs, annoncer son élection à un candidat en dehors du conclave relèverait du défi technique.
Si le Pape n’est pas élu au premier jour du conclave, les trois jours suivants voient s’enchaîner les scrutins, à raison de deux par demi-journées. Si aucun nom n’a rassemblé les deux tiers des voix au bout des quatre premiers jours, la cinquième journée du conclave est consacrée à la méditation, à la prière et à la discussion entre les cardinaux. Ce cycle peut se répéter jusqu’au treizième jour de l’élection, à partir duquel l’élection du Pape ne se fait plus aux deux tiers des électeurs, mais à la majorité absolue (la moitié des électeurs plus un) des cardinaux. Selon les dispositions de la constitution pontificale Universi Dominici Gregis, un conclave ne doit ainsi pas durer plus d’une quinzaine de jours.
À chaque scrutin, le camerlingue est chargé de brûler les bulletins de vote. C’est ce qui fonde la coutume d’émettre une fumée noire depuis la chapelle Sixtine quand un scrutin ne parvient pas à trancher, et d’en émettre une blanche quand le Pape est élu.
Justement, quand un nom obtient le nombre suffisant de voix, le Doyen est chargé de solliciter le consentement de l’élu à occuper cette fonction et lui demande son nom de Pape. Si l’élu n’est pas encore évêque, il est alors directement ordonné. Après quoi, le cardinal protodiacre (c’est-à-dire le cardinal-diacre ayant le plus d’ancienneté) va au balcon de la chapelle Sixtine pour annoncer la nouvelle aux fidèles, c’est alors lui qui prononce le célèbre « Habemus Papam » (nous avons un Pape) et révèle au monde le nom de l’élu. À cette occasion, le nouveau Pape se présente à la foule et prononce sa première bénédiction Urbi et Orbi (aussi donnée à Pâques et Noël).

Quel sens théologique ?
L’élection du Pape n’est pas une élection politique ordinaire, concernant un chef d’État, elle dispose aussi d’une profondeur théologique. Le conclave est un acte spirituel de discernement collectif, car le choix du souverain pontife doit être le reflet d’une recherche de la volonté de Dieu. Il convient donc maintenant de se demander quelle place occupe le divin dans l’élection du Pape.
Lors de chaque scrutin, lorsqu’un cardinal s’apprête à voter, il prononce le serment suivant : « Je prends à témoin le Christ Seigneur, qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu. » Ces mots sont d’abord le fruit de l’histoire et de la tradition de l’Église, visant à extraire autant que faire se peut l’élection du Pape des passions politiques, des pressions extérieures. Ils viennent aussi souligner le rôle de la prière et du discernement des cardinaux dans leur choix.
Nous l’avons présenté plus haut, les temps de prière sont nombreux et importants lors d’un conclave. Durant celui-ci, les cardinaux sont censés se mettre à l’écoute de l’Esprit saint. Ainsi, l’entrée en procession dans la chapelle Sixtine se fait-elle au chant du Veni Creator Spiritus. Pour autant, il ne faut pas croire que c’est Dieu qui choisit le Pape, ou que Dieu porte un message au monde avec le résultat de l’élection. La prière et l’écoute de l’Esprit saint doit permettre aux cardinaux de se mettre le plus possible dans une disposition de cœur favorable à l’émergence d’un nom. D’ailleurs, durant le conclave, les cardinaux ne sont pas coupés de la communion de prière unissant toute l’Église catholique, c’est ainsi qu’il est possible de prier pour tous ou chacun des cardinaux, afin de les soutenir dans le choix qu’ils ont à poser.
Il est aussi nécessaire de regarder la dimension théologique du conclave à travers sa finalité : l’élection du Pape. Ce dernier, pour les catholiques au moins, est le pasteur de l’Église instituée par Dieu, garant de son unité. Cette lourde fonction va au-delà de la personnalité de l’élu, elle est la continuation de l’apostolat, c’est-à-dire de la mission donnée par Jésus à ses apôtres de porter la bonne nouvelle de sa Résurrection au monde. Le Pape doit affermir la foi de ses frères et assurer la communion des fidèles.
Enfin, il est possible de lire l’élection d’un Pape à la lumière du don et de la charité. En effet, Saint Ignace d’Antioche a dit que l’Église de Rome présidait à la charité. Il est possible de trouver dans l’acception de sa charge par le cardinal élu à la fois comme un don de Dieu et un don pour Dieu. Un don pour Dieu d’abord car accepter de devenir Pape demande de quitter une part de son individualité (au point de changer de nom) afin de devenir le pasteur de tous les catholiques. Un don qui vient de Dieu ensuite d’avoir donné les dispositions à l’élu pour accepter d’accomplir la charge de successeur de Saint-Pierre, dans le cadre d’un scrutin demandant de rassembler largement.
Conclusion
Le conclave d’aujourd’hui est le fruit d’une tradition solidement enracinée d’élection du Pape, l’évêque de Rome, par un groupe de fidèles. Ses évolutions sont aussi le reflet des changements qui ont traversé l’Église catholique, particulièrement de la progressive affirmation de la position du Pape en tant que chef de l’Église, face à l’empereur romain et médiéval, mais aussi face aux autres évêques. L’élection close est à l’image d’une Église souhaitant rester, le plus possible, hors de portée des puissances séculaires.
Il serait naïf de considérer qu’un conclave, actuellement, est à l’abri de toute pression, qu’elle soit politique ou financière. Pour autant, l’élection cloîtrée, sans possibilité de communiquer avec l’extérieur, perpétue cette volonté pour l’Église d’avoir une élection indépendante, dont il n’est pas possible de remettre en question le résultat.
Enfin, dans un conclave, s’articulent une élection bien humaine et la mise à l’écoute de Dieu pour l'élection du Pape. Ce dernier est un exemple de don au service de l’Église de Dieu, pour être « le serviteur des serviteurs de Dieu » (Paul VI).
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