Chercher Dieu

Publié le
15/12/23

Il y quinze ans, Benoit XVI évoquait la mission du Collège des Bernardins en ces mots : "Au milieu de la confusion de ces temps où rien ne semblait résister, les moines désiraient la chose la plus importante : s’appliquer à trouver ce qui a de la valeur et demeure toujours, trouver la Vie elle-même. Ils étaient à la recherche de Dieu.". Comment la quête de la vérité, du bien et du beau se traduit-elle aujourd'hui en ces lieux ? Le père Jean-Baptiste Arnaud, théologien et directeur du département de recherche "Politique et religions", revient sur l'interrogation fondamentale qui habite le Collège.

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Un article du père Jean-Baptiste Arnaud.

Que cherchez-vous ?
Cette question pourrait être posée à toute personne qui, sortant du métro ou descendant de son vélo, ayant tourné boulevard Saint-Germain ou rue des Écoles, franchit en hâte la porte du Collège des Bernardins et se trouve interpellée, saisie intérieurement. Pour une exposition ou une visite, un cours ou une conférence, un café ou une rencontre, pénétrer dans cette immense nef gothique tout entière habitée par cette interrogation, ne peut laisser indifférent. Au fond, ce n’est jamais un acte banal, tellement décalé, mais tellement essentiel dans un monde épris de vitesse et d’immédiateté : entrer pour se laisser interpeller.

Que cherchez-vous ?
Telle est la question, futile pour certains, absurde pour d’autres, et pourtant si fondamentale, qui résonne en ces lieux. C’est la question des moines qui étudiaient ici au XIIIème siècle en lisant, en copiant, en écrivant la Parole de Dieu, en vivant dans une communauté fraternelle aux portes de la cité avec laquelle ils étaient si liés. C’est la question posée au début de l’Évangile, adressée à toute conscience humaine, à toute personne pour éveiller son désir, sa recherche de Dieu, sa quête de sens. Il est pourtant difficile de chercher Dieu s’il est mort, si l’on a cru pouvoir l’évacuer de l’espace public comme du secret des cœurs…

Ce n’est jamais un acte banal, tellement décalé, mais tellement essentiel dans un monde épris de vitesse et d’immédiateté : entrer pour se laisser interpeller.

Chercher Dieu, est-ce possible, raisonnable, souhaitable ? En quoi est-ce vital, pour soi-même, pour les autres, pour le monde ? C’est la question que Benoît XVI formule ici même le 12 septembre 2008, huit jours après l’inauguration du Collège des Bernardins, invité à s’exprimer devant de nombreux acteurs et responsables de la vie culturelle de notre pays. Surprenant tout le monde, il oriente les regards vers cette humble quête de Dieu qui habite les religieux de ce monastère comme de tant d’autres en Europe. Ceux-ci sont attentifs au chemin des lettres et des mots, de la parole et du chant, de la poésie et de l’architecture, qui portent la Parole de Dieu, dans sa transcendance et sa proximité, dans des vies humaines qui lui sont consacrées et se trouvent liées les unes aux autres et au monde dans lequel elles sont plongées.

Chercher Dieu, est-ce possible, raisonnable, souhaitable ? En quoi est-ce vital, pour soi-même, pour les autres, pour le monde ?

Cette quête de sens habite et met en route tant de nos contemporains qui viennent au Collège des Bernardins, invités ou attirés par cette recherche de ce qui est un, vrai, bon, beau, de tous les enjeux qui touchent à la liberté de l’homme, à sa dignité, à la qualité des relations qui le constituent, des liens sociaux qui les unissent.

« Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? » se demande le psalmiste. Mystère de l’homme et mystère de la société, voulue par Dieu, aimée de lui, éclairée par la foi.

Que cherchez-vous ? Ou plutôt qui cherchez-vous ?
Cette quête a un visage, celui du Christ crucifié et ressuscité, représenté par la si belle statue retrouvée dans la nef pendant les travaux du Collège des Bernardins. Visage du Messie souffrant qui prend sur lui les douleurs et les épreuves des hommes. Visage du Messie victorieux de la mort et de la haine et qui donne à l’humanité d’entrer dans la réconciliation, la paix, la vie véritable à laquelle chacun aspire.

Cette quête de sens habite et met en route tant de nos contemporains qui viennent au Collège, invités ou attirés par cette recherche de ce qui est un, vrai, bon, beau, de tous les enjeux qui touchent à la liberté de l’homme, à sa dignité. 

Qui cherchez-vous ?
En entrant dans cette nef, en ouvrant le livre des saintes Écritures, qui est aussi le grand livre de l’expérience humaine, le miroir de toute l’histoire des hommes, nous sommes attendus, conviés. Nous cherchons le chemin, la vérité et la vie, parce que le Christ nous cherche. Il vient à nous. Il patiente. Il consent à nos détours et à nos complexités. "Il ne se lasse pas" comme le dit souvent le pape François.

Comment chercher Dieu ?
Cette quête est aussi écoute, écoute de la Parole de Dieu dans les Ecritures comme dans la vie des hommes, écoute de ce que l’Esprit inspire dans les désirs, les questions, les joies et les espoirs, les angoisses et les souffrances de nos contemporains. Cette écoute ouvre à un dialogue, échange de dons, toujours exigeant et difficile, vital et engageant, rigoureux et déconcertant. Ce dialogue est vécu dans ces murs du Collège des Bernardins aussi bien dans la manière d’étudier et d’enseigner la théologie, que dans sa rencontre féconde avec les sciences humaines, sociales, et les différents domaines de la connaissance et des arts, jusque dans les requêtes les plus poussées de la raison et de la sagesse humaines, quand elles cherchent Dieu ou le rejettent. L’émerveillement et la curiosité, l’émotion et la mémoire, tout est convoqué et touché chez celui ou celle qui se met en quête de sens en avançant dans les couloirs, les escaliers et les salles du Collège des Bernardins et en y demeurant.

« L’étude de l’Écriture sainte est pour la théologie comme son âme » rappelle le concile Vatican II, et pourrait-on ajouter « pour le Collège des Bernardins ». L’étude de l’Écriture sainte à la suite des moines ici même est l’âme et la source de tous ceux qui viennent étudier et enseigner la théologie, qui se mettent à l’écoute et à l’école de la Parole pour découvrir comment elle éclaire les chemins de vie, comment elle inspire le travail, la vie en société, les relations familiales, amicales, le sens de l’histoire et de notre monde assoiffé de sens et d’unité.

L’émerveillement et la curiosité, l’émotion et la mémoire, tout est convoqué et touché chez celui ou celle qui se met en quête de sens en avançant dans les salles du Collège des Bernardins. 

La théologie elle-même se trouve interrogée par ces questions fondamentales, ces découvertes ou ces expériences, ces compétences apportées par tous ceux qui franchissent la porte du Collège des Bernardins. Ainsi la triade médiévale « lectio, disputatio, praedicatio », vécue par les moines théologiens dans ce Collège, guide toujours les travaux et les rencontres qui s’y tiennent.

Lire l’Écriture et les signes des temps pour en déchiffrer le sens permet d’entrer dans un dialogue hospitalier, y compris à des opinions contraires, à des incertitudes qui bousculent, afin qu’une parole d’espérance, réaliste et spirituelle, puisse être offerte à tous ceux qui l’attendent, qui cherchent le sens, de l’intérieur duquel Dieu se laisse chercher… et trouver.

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