Théologie

Origène d'Alexandrie : l'Architecte de la Pensée Chrétienne

Publié le
18/2/24

Qui sont réellement les Pères de l'Église, ces défenseurs ardents de la foi chrétienne dont l'influence perdure encore aujourd'hui ? Dans cette série, explorons avec le père Guillaume de Menthière les figures emblématiques des premiers temps du christianisme, de Saint Ignace à Saint Grégoire le Grand, en passant par Saint Origène. La pitoyable polémique posthume qui entoura son œuvre ne doit pas le masquer : Origène est une étape déterminante dans le développement de la pensée chrétienne. C’est dans ses ouvrages qu’ont puisé presque tous ses successeurs, disait le pape Léon XIII. Un maître, tout simplement.

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Voici le premier des Pères issu de famille chrétienne. Origène, né en Egypte en 185, a été nourri dès le berceau au lait des saintes Écritures.  Son père, très pieux, saint Léonide, subit le martyre en 202. Origène conservera toujours l’empreinte si édifiante de son père. Ses écrits laissent paraître une particulière tendresse pour ce Seigneur tant aimé dès l’enfance qu’il appelle volontiers : « Mon Jésus ».

Resté seul avec sa mère et six frères plus jeunes l’adolescent devint grammairien pour subvenir au besoin de la famille. L’évêque d’Alexandrie confie la catéchèse à ce tout jeune professeur, âgé d’à peine 18 ans mais déjà si brillant. Dès lors le catéchète passe ses nuits à l’étude des Saintes Écritures. Il mène une vie très austère arc-bouté à un travail titanesque.

De 215 à 230 Origène est didascale (maître) à Alexandrie et fonde une école savante d’étude profane. Il fait preuve d’un esprit véritablement encyclopédique. De sorte qu’il se taille une solide réputation même chez les païens. Mais pour Origène toute science doit servir à l’étude de l’Écriture Sainte. Il apprend l’Hébreu et se livre à un énorme travail de compilation des versions disparates de la Bible. Il met toutes les ressources de son érudition au service de l’intelligence du texte sacré. Pour commenter par exemple la parabole du Christ sur la perle de grand prix, il mène une vaste enquête sur la capture des perles précieuses en Inde et en Bretagne !

La renommée intellectuelle d’Origène commence à susciter la jalousie au sein même de l’Église d’Alexandrie. Quel est ce simple laïc qui se permet d’en remontrer aux clercs en matière de science sacrée ? Origène trouve refuge et protection à Césarée de Palestine où il est ordonné prêtre et demeurera désormais. De partout on vient consulter celui qui est considéré comme l’homme le plus savant et l’oracle théologique de tout l’Orient.

Lorsqu’en 249 Dèce devient empereur, les persécutions reprennent avec violence. Origène, déjà usé par l’âge et le labeur, est emprisonné et subit supplices et tortures. Il meurt peu après, peut-être à Tyr vers 253. Trois de ses disciples, Pamphile, Eusèbe et Grégoire, ont laissé d’Origène des portraits bouleversants. Leur maître fut non seulement un érudit hors pair et un orateur prestigieux, mais surtout un homme de douceur et de bonté, doué d’une foi sincère courageusement confessée jusqu’au bout.

On lui attribue plusieurs milliers d’ouvrages. La plupart sont perdus, d’autre ne sont conservés que dans des traductions latines incertaines. Mais reste le plus précieux, le trésor dont Origène a fait hériter l’Église : l’apprentissage d’une lecture savoureuse des Écritures.

L’Écriture est la joie et la consolation d’Origène, elle est son bien de famille : « Je reviendrai, écrit-il, aux immenses plaines des Écritures divines ; j’y chercherai l’intelligence spirituelle de la Parole de Dieu ». Il publia les gigantesques Hexaples, le texte de la Bible en six colonnes, en versions hébraïques et grecques, afin d’établir un texte fiable. A qui sait lire, chaque aspérité du texte révèle le Christ surgissant comme le bien-aimé du Cantique pour rejoindre l’âme bien-aimée du lecteur biblique : “Le voici venir, bondissant sur les montagnes, jaillissant sur les collines

Le maître comparaît l’Écriture a une amande : Il faut d’abord se casser les dents sur l’écorce de la lettre avant de parvenir au fruit délicieux de l’esprit.

Quelle tristesse se serait d’en rester au « lait avare et aux maigres mamelles du sens littéral » (Claudel) ! Que nous apporte de savoir les agissements incestueux de Juda, ou les batailles des philistins ? Dieu n’a certainement pas consigné ces faits dans les saintes Écritures sans une intention secrète. Ce dessein voilé, seule la méthode allégorique permet de le révéler. Cette méthode consiste à interpréter spirituellement, des paroles qui sont « esprit et vie »(Jn 6,63).

Les docteurs du Moyen âge s’inspireront d’Origène pour formuler la si précieuse méthode « des quatre sens de l’Écriture » : le sens littéral enseigne les événements, l'allégorie ce qu'il faut croire, le sens moral ce qu'il faut faire, l'anagogie vers quoi il faut tendre.

N’allez pas croire pour autant qu’Origène soit un technicien compliqué des Écritures. L’intelligence de la Bible n’est point ouverte à l’habileté de l’esprit mais à la pureté du cœur. Seul l’Agneau de Juda est digne d’ouvrir le livre scellé aux sages et aux savants. Origène ne cesse de répéter : « Ce qui est le plus nécessaire pour comprendre, c’est la prière. » Ainsi pour l’évangile de saint Jean dont « nul ne peut saisir le sens si, comme Jean, il ne s'est renversé  sur la poitrine de Jésus et n'a reçu de Jésus Marie pour mère. »

Hélas ! L’œuvre immense d’Origène fut vite pillée et déformée. Ses plus chauds partisans mirent en système des opinions éparses qu’il avait imprudemment émises. Celles-ci furent condamnées au VIème siècle par l’Église sous le nom d’origénisme et cela entacha gravement la mémoire d’Origène. Suspecté d’hérésie, il ne fut jamais canonisé.

Pourtant ce qui fait l’hérétique, c’est l’obstination. Or, si le maître alexandrin avança des idées douteuses, comme la préexistence des âmes ou le salut final des démons,  il ne fut jamais un obstiné. A la lecture de ses ouvrages on est même frappé par son humilité. Il appelle filialement l’Église sa  Mère  et  fait cette touchante déclaration : « Je voudrais être un fils de l’Église, je voudrais porter le nom du Christ  qui est en bénédiction sur notre terre. C’est là mon désir : que mon esprit comme mes œuvres me donnent le droit d’être appelé chrétien. »

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Crédit : @Sedmak

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