Groupe de recherche en théologie morale
Le groupe de recherche en théologie morale du Collège des Bernardins étudie, avec la Fondation OCH, comment le handicap interroge nos visions de la force, de la dépendance et de la dignité humaine dans le contexte de la campagne « Handicap, force ou faiblesse ? ».
à propos
Les personnes handicapées ne sont-elles pas spontanément et parfois volontairement reléguées aux marges ? L’investissement communautaire et social, à travers les œuvres charitables ou les structures sociales ont tenté ou tentent d’éviter l’exclusion, voire de favoriser l’intégration des personnes handicapées. En France, la législation a successivement cherché à rééduquer, réadapter, réintégrer les personnes vues comme déficientes, puis à compenser leur handicap par des allocations spécifiques (Stiker). Des efforts indéniables ont été fournis pour faciliter la vie quotidienne des personnes handicapées et leur ouvrir plus largement l’accès à une vie professionnelle régulière. Pour autant, la société considère-t-elle « l’existence des personnes handicapées comme constitutive de sa propre réalité » (Renier) ? La même interrogation peut être adressée à l’Église catholique, comme aux autres Églises et communautés chrétiennes, voire aux autres communautés religieuses.
Il semble en fait que l’ouverture à l’autre, si délicate et complexe d’une manière générale, soit rendue plus difficile par la présence de tel ou tel handicap pour celui ou celle qui s’en estime indemne. Quand bien même une société prône l’inclusion, quand bien même l’amour de toute personne est au cœur de la morale évangélique, un questionnement, une gêne, des peurs, entraînent parfois jusqu’au refus d’accueillir certaines personnes handicapées, avant comme après leur naissance.
Serait-ce que les personnes handicapées renvoient une image de faiblesse qui dérange ? La sagesse héritée des anciens voit la force comme une vertu, non la faiblesse. Aujourd’hui la figure dominante des sociétés occidentales est celle de l’individu autonome, productif et performant, œuvrant pour se garder en bonne santé et dans le bien-être. La promotion de l’autonomie vient d’ailleurs apposer sa marque sur les dispositifs sociaux compensatoires gérés par une « Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie ». Or les personnes handicapées, si elles peuvent elles-mêmes exprimer le souhait d’accéder à plus d’autonomie, viennent néanmoins interroger le modèle d’une autonomie pensée comme autodétermination, avec leur plus grande dépendance, leur rythme de vie autre, leurs soucis de santé quotidiens, leur manière de raisonner et de communiquer qui peut être très différente, en fonction de leur handicap physique, psychique ou lié à l’âge. Dans le cadre d’une réflexion sur « les personnes handicapées, révélatrices de Dieu ? » a jailli cette affirmation :
Alors que l’autonomie est le maître-mot de notre société, des personnes qui expérimentent la dépendance témoignent d’une autre vérité : la dépendance éclaire la nature même de l’amour, qui est de recevoir la vie de l’autre, à l’image de Dieu. Ainsi Jésus l’a-t-il vécue jusqu’au bout.
La faiblesse, l’apparente fragilité des personnes handicapées, qui peut induire une plus grande dépendance des autres, serait-elle habitée par une force, ultimement la force de l’amour, bâtisseur d’une communauté de personnes où chacun est reconnu dans sa pleine dignité (Gaudium et Spes) ? La dépendance des personnes handicapées n’éclaire-t-elle pas avec force la condition de chacun, qui est celle d’une autonomie relationnelle (Ricot), d’une interdépendance ? En tout cas l’humanisme chrétien est appelé à accueillir et à transmettre le mystère de Dieu qui se rend volontairement vulnérable en prenant chair. À témoigner de l’épanouissement de l’homme et de la femme comme image de Dieu non pas malgré, mais dans la vulnérabilité qui permet le déploiement de la puissance d’amour de Dieu (2 Co 12,9). À tel point que le pape François a pu attribuer aux personnes handicapées un « magistère de la fragilité », capable à ses yeux, s’il est écouté, de rendre les sociétés et l’Église catholique « plus humaines et fraternelles ».
Sans nier les difficultés parfois bien lourdes du handicap ni chercher à l’intégrer dans la logique de l’autodétermination, sans chercher à enfermer les personnes handicapées dans un rôle de victime ou de héros, est-il possible de déceler des forces morales et spirituelles mobilisables dans les faiblesses physiques ou psychiques ? Ces personnes, dans la diversité de leurs situations, n’ont-elles pas une richesse spécifique à apporter aux relations sociales ? Les disciples du Christ et leurs frères et sœurs en humanité gagneraient-ils à donner leur place aux personne handicapées du fait même de leur dépendance accrue ?
À partir de l’expérience réfléchie des personnes handicapées elles-mêmes, des ressources de la médecine, des sciences humaines, de la philosophie et de la théologie, nous comptons explorer l’hypothèse de ce binôme force et faiblesse des personnes handicapées comme facteur d’humanisation.
Responsables
Co-directeurs

Laetitia Calmeyn
Consulteur au dicastère pour la doctrine de la foi

Brice de Malherbe
Professeur à la Faculté Notre-Dame
Le conseil scientifique
- Laetitia CALMEYN, Professeur de théologie, Faculté Notre-Dame de Paris, Collège des Bernardins.
- Florence GROS, Directrice, Fondation Office Chrétien des personnes Handicapées.
- Anne LEGRAIN, Catéchèse adaptée, Vicariat des personnes handicapées, diocèse de Paris.
- P. Brice de MALHERBE, Professeur de théologie, Faculté Notre-Dame de Paris, Collège des Bernardins.
- P. Alban MASSIE s.j., Enseignant en théologie, Facultés Loyola Paris, directeur de la Nouvelle revue théologique.
- François de MUIZON, Enseignant-chercheur, Faculté de Théologie, Université Catholique de l’Ouest.
- Bertrand QUENTIN, Philosophe, maître de conférences à l’Université Gustave Eiffel.
- Paulo RODRIGUES, Doyen et Professeur de théologie, Faculté de théologie, Université Catholique de Lille.
- Isabelle VILLE, Directrice de recherche émérite Inserm / Directrice d'études EHESS, Présidente d'Alter, European Society for Disability Research
Les horaires des séminaires sont 18h-19h30
Mardi 27 mai2025 : Agata Zielinski, philosophe, Facultés Loyola Paris – Epistémologie de la vulnérabilité. Vers une vertu relationnelle.
Mardi 17 juin2025 : Morgane Blain, philosophe, Université Gustave Eiffel – Les nouvelles technologies peuvent-elles véritablement se mettre au service des personnes en situation de handicap neuromoteur ?
Mardi 14 octobre 2025 : Françoise Mies, bibliste et philosophe, FNRS - Université de Namur – Bible, vulnérabilité et handicap.
Mardi 18 novembre 2025 : Talitha Cooreman-Guittin, théologienne, Université de Fribourg – État des recherches en théologie du handicap
Mardi 16 décembre 2025 : Gildas Brégain, historien, CNRS – Existe-il un moment où le handicap est devenu une force sociale ?
Mardi 13 janvier 2026 : Cécile Gandon, graphiste et Charlotte de Vilmorin, entrepreneure – Une force dans un corps fragile ?
Mardi 10 février 2026 : Marie Garrau, philosophe, Université Paris I Panthéon-Sorbonne – Éthique du « care » et vulnérabilité (à confirmer)
Mardi 10 mars 2026 : Pierre Ancet, philosophe, Université de Bourgogne-Europe (Dijon), L’épreuve du temps.
Mardi 14 avril 2026 : Miranda Boldrini, philosophe, Université Catholique de Louvain-Saint-Louis Bruxelles, Handicap et autonomie.
Mardi 12 mai 2026 : Fabrizio Cantelli, Sciences-Politiques, Université Libre de Bruxelles, Pouvoir et fragilité des personnes handicapées. (à confirmer)
Mardi 9 juin2026 : Henri-Jacques Stiker, anthropologue, Université Denis-Diderot-Paris 7, La condition handicapée. (à confirmer)
Colloque conclusif en novembre/décembre 2026.