Jésus est-il vraiment Dieu ?

Publié le
20/10/11
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La question de la divinité du Christ se pose immédiatement et tout au long de ses trois années de prédication publique. Scandale heurtant les sensibilités juives tout autant que païennes, elle fut le prétexte de sa mise à mort. Jésus est-il vraiment Dieu ? La réponse se trouve, très paradoxalement, dans l’Ancien Testament...

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La question qui nous occupe est d'apparence un peu brutale et d'expression assez maladroite finalement. Brutale parce que si Jésus n'est pas Dieu, je pense qu’on a autre chose à faire dans ce bâtiment que des conférences. Des chrétiens doivent simplement rejoindre le rang des désespérés du monde et proposer aux médecins de les aider à vivre ce grand choc brutal en ayant quelques soutiens psychologiques et des vitamines.

Donc la question est brutale : « Jésus est-il Dieu ? » et elle est en quelque sorte bizarrement écrite parce qu’on ne peut pas être Dieu à moitié, donc on ne peut pas être vraiment Dieu. Ou il est Dieu ou il n'est pas Dieu mais il n’y a pas un fifty-fifty, ou il pourrait y avoir un mixte comme un cocktail sans alcool de plusieurs choses et qui plus est, on ne peut pas devenir Dieu.

Ou on est Dieu ou on ne l'est pas, on ne peut pas devenir Dieu, on peut devenir un être humain plus humain, on peut devenir un cosmos mais si Dieu est Dieu, il est éternel.

Alors je me suis servi comme souvent de la pensée du pape qui nous renvoie à la Bible dans son Jésus de Nazareth. Il n’appelle pas cela un premier chapitre mais une introduction, un premier aperçu sur le mystère de Jésus. Donc c'est le tome 1, c'est extrêmement fort, simple et je vais essayer de garder la même simplicité. Il part d'un texte biblique, dans le livre du Deutéronome au chapitre 18 au verset 18.

C'est un prophète comme toi que je leur susciterai du milieu de leurs frères, je mettrai mes paroles dans sa bouche, il leur dira tout ce que je lui ordonnerai »

Il s'agit dans le dernier et cinquième des livres de la Loi de Moïse d'une promesse. Quelques chapitres plus loin, on va le lire ensuite, Moïse va mourir et le peuple aura à vivre dans l'histoire, de la Loi que Moïse donne et de la grâce de Dieu mais Dieu fait une promesse, c'est ce que le peuple aura auprès de lui pour l'aider à vivre du chemin de la Loi, des prophètes et même un prophète comme toi.

Je lis un peu plus largement, je commence au verset 14 maintenant : « Ces nations que tu dépossèderas, écoutent ceux qui pratiquent l'incantation et consultent les oracles »

Une des graves questions de l'humanité, ce n’est pas simplement de savoir d'où nous venons, qu'est-ce qui était à l'origine, avons-nous été créés où sommes-nous le fruit du hasard ? C'est une question qui habite l'humanité, elle est importante. Mais la question, l'autre question qui habite l'humanité, c’est vers où allons-nous, que nous réserve l'avenir, quelles précautions devons-nous prendre, quel est le bon chemin pour avoir un avenir sûr ? Si nous savons où nous allons, alors ça peut nous aider à trouver le chemin mais si nous ne savons même pas où nous allons, nous ne savons pas où est le chemin. Et donc dans toutes les religions, dans toutes les traditions même dans les pays comme le nôtre la question des oracles, de l'incantation, de la magie, de la divination est une question extrêmement vive, extrêmement actuelle.

« Pour toi, il n'en sera pas de même » dit Dieu. « Pour toi, il n'en sera pas de même.Ce n'est pas ainsi que je t'indiquerai l'avenir, ni que tu dois le chercher. Ainsi que l'a établi le Seigneur ton Dieu, c'est un prophète comme moi que le Seigneur ton Dieu te suscitera du milieu de vous, d'entre tes frères ».

La question de l'avenir, le peuple est doté d'une Loi, il sait déjà un peu d'où il vient, mais la question de l'avenir sera éclairée par des prophètes. « C'est lui que vous écouterez, c'est bien là ce que tu avais demandé au Seigneur ton Dieu à l’Horeb, le jour de l'assemblée » (assemblée, c'est le mot ecclesia, synagogue c'est le même mot en grec pour traduire le mot hébreu assemblée). « Quand tu disais : je ne veux pas recommencer à entendre la voix du Seigneur directement, je ne veux plus regarder ce grand feu du buisson, je ne veux pas mourir (donc j'ai besoin d'intermédiaires qui m'aident à connaître l'avenir).

Alors le Seigneur me dit « ils ont bien fait de dire cela » et voilà le verset par lequel j'ai commencé, « c'est un prophète comme toi que je leur susciterai du milieu de leurs frères, je mettrai mes paroles dans sa bouche donc ce qu'il dira sera vrai ». Et donc sera éclairant pour la question : que faire, ou aller ? Je mettrai mes paroles dans sa bouche, il leur dira tout ce que je lui ordonnerai, sera obéissant et si quelqu'un n'écoute pas mes paroles, celles que le prophète aura dites en mon Nom, alors moi-même, je lui en demanderai compte. Et on retrouve cette prophétie appliquée par Pierre à l'Évangile dans les Actes des Apôtres. Mais si le prophète a la présomption de dire en mon Nom une parole que je n'aurai pas ordonné de dire, s'il parle au nom d'autres dieux, alors c'est le prophète qui mourra.

Cette promesse d'un nouveau Moïse à la fin du Deutéronome va nourrir une espérance incroyable en Israël. Nous savons déjà par ailleurs que Dieu a promis au peuple un nouveau David, c'est à dire un prince selon le cœur de Dieu et qui le ferait paître dans la paix, la justice. Nous savons que Dieu promet au peuple un nouveau Melchisédech, c'est-à-dire un prêtre de justice qui fait entrer dans la plénitude du culte. Paul dira que Dieu veut donner au peuple un nouvel Adam. C'est cette idée que ce qui s'est passé dans l'histoire annonce un salut encore plus grand, une aide encore plus précieuse comme le dira justement le prophète Isaïe, un nouvel exode et comme le dira Jérémie, une nouvelle alliance.

Il y a donc sur la base de cette promesse d'un prophète comme moi, l’attente d'un personnage qui comme Moïse, peut aider le peuple à lire l'avenir mais sur la base de ce que Moïse a dit. Or à la fin de ce même livre du Deutéronome au chapitre 34 cette fois-ci au verset 10, voici la constatation désabusée de l'auteur du livre, je lis le verset puis j’élargirai à nouveau : « plus jamais en Israël ne s'est levé un prophète comme Moïse », plus jamais ne s'est levé un prophète comme Moïse, lui que le Seigneur connaissait face à face ; lui que le Seigneur avait envoyé accomplir tous ces signes et tous ces prodiges dans le pays d'Égypte devant pharaon, tous ces serviteurs et tout son pays ; ce Moïse qui avait agi avec toute la puissance de sa main en suscitant toute cette grande terreur sous les yeux de tout Israël ; point final du Deutéronome, point final de la Torah.Plus jamais.

C’est donc que la promesse est encore en attente mais pourquoi est-elle en attente, pourquoi dit-il, l'auteur du Deutéronome à la fin du livre, que plus jamais… ce n’est qu’aucun des prophètes envoyés par Dieu dans toute l'histoire n'a eu la puissance de Moïse, les signes et les prodiges mais encore autre chose ; ce qu'on n'a jamais retrouvé chez aucun prophète et qui reste une attente est décrit par le livre de l'Exode au chapitre 33 verset 11.

Là je dois tourner quelques pages en arrière, vous connaissez ce passage, je commence au verset 7 : « Moïse prenait la tente de la rencontre, la déployait à la bonne distance en dehors du camp et l'appelait tente de la rencontre. Et alors quiconque voulait rechercher le Seigneur sortait vers la tente de la rencontre qui était en dehors du camp et quand Moïse sortait vers la tente, tout le peuple se levait, chacun se tenait à l'entrée de sa tente et suivait Moïse des yeux qui sortait du camp jusqu'à son entrée dans la tente, puis on ne le voyait plus. Et comme où il était entré dans la tente, la colonne de nuée descendait, se tenait à l'entrée de la tente et parlait avec Moïse (la nuée est connue comme le signe visible, le sacrement de la présence de Dieu) tout le peuple voyait la colonne de nuée dressée à l'entrée de la tente ».

Tout le peuple se levait, chacun se prosternait à l'entrée de sa tente. Donc c'est comme si chacun participait à ce qui était donné à Moïse seul, tel était Moïse. Le Seigneur parlait à Moïse face à face comme on se parle d'homme à homme ; puis Moïse revenait vers le camp tandis que son auxiliaire, le jeune Josué (en grec ça se dit Jésus) fils de Noun ne quittait pas l'intérieur de la tente. On n'a jamais eu ça à nouveau. Un homme dont la parole quand il nous parlait venait directement de Dieu parce qu’il lui parlait face à face et que Dieu pouvait lui mettre ses paroles dans sa bouche, on n'a plus jamais eu ça. Or si nous voulons savoir ce que nous devons faire pour arriver à Dieu, il faut que Dieu lui-même nous le dise. Il nous l'a dit dans la Torah mais depuis nous avons eu à faire beaucoup d'infidélité, beaucoup d'événements, beaucoup de nouveautés ; on n'a jamais eu à ce point-là, on a eu des prophètes, la parole de Dieu leur advenait mais on attend celui à qui une telle intimité est donnée.

Qui sera comme Moïse capable de donner les signes qui permettent l'accomplissement de l'Exode ? Qui sera comme Moïse capable de nous guider au désert jusqu'à la montagne du Sinaï et de l'alliance ? Qui sera comme Moïse capable après le Sinaï de nous amener jusqu'à la terre promise et à la vraie terre promise, celle du salut éternel ?

Eh bien cette question parcourt toute la Bible et vous avez au livre des Nombres qui est juste après le livre du Lévitique donc le quatrième livre de la Loi, au livre des Nombres chapitre 12 versets 6 à 8, vous avez encore cette réflexion qui revient, qui traverse toutes les Écritures. Dieu dit à Aaron et Myriam (Aaron et Myriam disent : bon ce n’est pas juste, il n'y a pas qu'à Moïse que Dieu parle quand même, à nous aussi. Alors il faudrait qu'on nous écoute nous aussi) et alors Dieu répond à Aaron qui est le frère de Moïse et à Myriam qui est sa sœur, donc très proches, il répond : « écoutez donc mes paroles, s'il y a parmi vous un prophète, c'est par une vision que moi le Seigneur, je me fais connaître à lui, dans une vision, une apparition, quelque chose de sensible de l'ordre de la vue.

C'est dans un songe que je lui parle pendant ses rêves, ainsi Dieu parle aux prophètes. Il n'en va pas de même pour mon serviteur Moïse. Lui qui est mon homme de confiance, il a ma confiance pour toute ma maison ; je lui parle (alors l'hébreu et aucune traduction n’ose mettre ce qui a été écrit) je lui parle peh al peh » ; peh = c’est la bouche. Je lui parle bouche-à-bouche. Normalement on parle de bouche à oreille. Qu'est-ce qu'on fait bouche à bouche ? Un baiser. Non je lui parle dans une immédiate relation d'amour. Imaginez la bouche de Dieu qui descend, qui touche la bouche de Moïse. Je lui parle peh al peh, ma bouche sur sa bouche. Donc il n’y a aucune médiation. Moïse n'a pas besoin qu'on lui dise ce que Dieu dit, Moïse est celui qui dit ce que Dieu dit, il est à la source de la révélation humaine.Voilà Moïse. Je lui parle peh al peh, en me faisant voir non en un langage caché. Il voit la forme du Seigneur, il ne voit pas le Seigneur. Comment donc osez-vous critiquer mon serviteur Moïse ?

Voilà ce qu'on attend et ce qu'on n'a pas eu. On attend celui qui pour Dieu est un ami, qui est un ami d'une telle proximité qu'il peut indiquer le chemin du salut ; nous allons vers Dieu mais quel est le chemin ? Celui qui reçoit de Dieu même sans avoir l'aide, le besoin de personne parce qu'il est à l'origine de toutes les médiations, il est à l'origine de tous les intermédiaires, Moïse, celui qui donne le chemin du salut, celui pour qui l'avenir est clair, celui qui donne la direction, celui à partir duquel pourront agir les prophètes.

Quand on entend dire à la fin du Deutéronome, jamais en Israël ne s'est levé un prophète comme Moïse, et pourtant la promesse demeure, - je vous donnerai un prophète comme Moïse - on comprend que la promesse est eschatologique. Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est la promesse dont l'accomplissement est dernier : il n'y a pas d'accomplissement plus grand que de donner ce prophète comme Moïse à qui Dieu parle dans cette intimité-là, voire même plus grande. Parce que non seulement il faut nous donner la Loi qui indique la direction mais il faut nous donner la Loi nouvelle qui nous fait vivre de Dieu ; non seulement il nous faut faire l'Exode qui nous emmène dans la terre promise mais nous faire le nouvel exode qui nous délivre de la mort ; non seulement il faut être en proximité avec Dieu sans intermédiaire mais il faut nous donner à tous d'y entrer ; il faut nous donner la nouvelle alliance, celle dans laquelle nous devenons tous des enfants de Dieu.

Eh bien, ce prophète, je dis qu'il doit être eschatologique c'est à dire à la limite hors de l'histoire, qu'il vienne de l'éternité, qu'il conduise à l'éternité. Pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce que le livre du Deutéronome au chapitre 33, l'avant dernier chapitre, médite sur la limite de la révélation faite à Moïse, chapitre 33 verset 18 et suivant de l'Exode pas du Deutéronome, de l'Exode 33, 18. Voici la demande de Moïse à Dieu, on entre dans la prière de Moïse. Ce ne peut être que lui qui nous a fait rentrer, il n’y avait personne d'autre donc c'est lui qui écrit la Torah, c'est comme ça que la tradition médite. Moïse dit : « fais-moi voir ta gloire » ; fais-moi voir ta gloire, la manifestation sensible de ce que tu es. Révèle-toi à moi, à qui tu parles peh al peh. Dieu dit : je ferai passer sur toi tous mes bienfaits, je proclamerai devant toi le nom du Seigneur. C'est incroyable, moi Dieu, je dirais mon Nom devant toi, mon Nom c'est moi et là, c’est pas toi qui le dira, c'est moi qui le dirai donc j'imposerai sur moi ton nom, mon nom c'est à dire je te bénirai d'une bénédiction immédiate. Dieu disant son Nom sur et à Moïse, révélation plénière.

C'est l'origine de toutes les mystiques chrétiennes et juives dans ce texte, contact immédiat de Dieu et de son ami. J'accorde ma bienveillance à qui je l’accorde, je fais miséricorde à qui je fais miséricorde donc à toi. Dieu dit : tu ne peux pas voir ma face, je te montrerai ma gloire mais tu ne peux pas voir ma face. Il lui parle face à face, peh al peh, mais il ne peut pas le voir, sa face, le voir venant, le voir en face. Pourquoi ? Car l'homme ne saurait me voir et vivre.Voir la face de Dieu demande d'avoir tout donné à Dieu, y compris sa vie. On ne peut voir Dieu qu’après avoir abandonné sa vie à Dieu, après la mort. Nous voulons voir Dieu et donc nous acceptons de franchir la mort. Je répète la même idée encore autrement. Il n'y a pas d'autre moyen de voir Dieu que de tout lui donner et se donner soi-même puisque voir Dieu c’est que lui se donne tout entier, c'est un échange d'amour de la même manière que le mariage crée une nouvelle relation entre l'homme et la femme où ils se donnent tout entiers l'un à l'autre, face à face, dans leur nudité respective, dans leur être pleinement dévoilé. De la même manière, l'homme et Dieu ne se voient que quand la mort est dépassée et vaincue. La vision de Dieu, c'est la vie de l'homme, vie plénière qu'on ne peut recevoir qu’en ayant remis tout à Dieu qui à ce moment-là nous remet tout aussi.

L'homme, même toi, tu ne peux pas me voir et vivre. Le Seigneur dit : « voici un lieu près de moi, tu te tiendras sur le rocher, alors quand passera ma gloire (donc elle va quand même passer), je te mettrai dans le creux du rocher (pensez à toutes ces icônes de la Transfiguration où vous avez le creux du rocher dans lequel les apôtres attendent avant de monter vers Jésus et dans ce creux, il y a Moïse et il y a Élie. C’est la caverne où Élie attendra aussi Dieu), je te mettrai dans le creux du rocher et de ma main, je t’abriterai parce que si je ne te protégeai pas de ma main, ma gloire te brûlerait ».

Voilà qui est Dieu, voilà qui est Moïse, et l'intimité de leur relation. Il y a Dieu, il y a la face, il y a les lèvres, il y a la bouche, il y a la main, on a besoin de tout ça. On n'est pas en train d'anthropologiser Dieu, ce n’est pas un texte naïf, c'est un texte extrêmement élaboré. Il y a en Dieu une pluralité qui peut être différemment communiquée à l'expérience humaine. Quelquefois vous connaissez de Dieu le manteau, quelquefois vous connaissez de Dieu le pas, quelquefois vous connaissez de Dieu la voix, quelquefois vous connaissez de Dieu la main, quelquefois les lèvres. C’est ça l'expérience spirituelle de tout chrétien et des mystiques. Je t’abriterai quand je passerai puis j’écarterai ma main donc tu seras dans une position pour voir, tu me verras…de dos. Non pas encore de face, pas encore dans le face à face d'une claire connaissance de ce que je suis, tu me verras de dos. Tu verras mon passage, tu me verras quand je suis passé, tu ne me verras pas venir, tu n'es pas avant moi, tu n'es pas sur-éternel, personne non plus ne peut me voir venir. Il faudrait être plus éternel que moi, il faudrait être plus avant que moi. Non vous ne pouvez être que derrière moi, vous ne pouvez être que des disciples, vous ne pouvez être qu’à mon écoute mais tu me verras une fois que je serai passé. C'est ce que nous faisons avec Dieu le soir dans notre examen de conscience. J'ai vu où tu es passé dans ma journée.

Notre confession : j'ai vu où tu es passé, là où je t’ai accueilli, là où je t’ai refusé. D’avance, personne d’entre nous ne sait quand il verra Dieu ni où. On ne peut voir Dieu pour le moment. Ma face, on ne peut la voir. Souvenez-vous de cette phrase : ma face, on ne peut la voir. Voilà la grandeur de la médiation de Moïse. On attend un prophète comme lui. L'auteur du Deutéronome dit que ce n’est pas encore arrivé, c’est eschatologique et on comprend pourquoi. Parce qu'il faut un être qui soit au-delà de la mort, un être qu'il soit dans la vie en plénitude puisqu'on ne peut voir Dieu face à face que si on est entièrement remis à Dieu. D’où cette attente eschatologique qu'on retrouve par exemple au début de l’Évangile selon Saint-Jean. Puisque maintenant nous faisons le pas, nous avons compris ce que veut nous dire Benoît XVI, c'est qu'on ne peut lire l'Évangile à son niveau de révélation que si on connaît le niveau de l’attente, si on ne sait pas ce qui est attendu, on va lire le texte platement ; si on sait l'enjeu, on comprend par exemple au début de l’Évangile selon Saint-Jean : es-tu le prophète qui doit venir ? es-tu celui qui vit dans l'intimité de Dieu, qui voit Dieu et donc qui nous dira ce que nous attendons ? L'accomplissement des paroles même que Moïse n'a pas pu dire parce qu'il n'était pas dans cette intimité-là et qui nous permettra d'aller vers l'avenir, de connaître le chemin, d'avoir non seulement la Loi comme dira Saint-Jean mais l'Évangile ?

Et je vous lis Saint-Jean, le dernier verset où les deux derniers versets de ce qu'on appelle le prologue du début de son Évangile : « la Loi fut donnée par Moïse (et on ne peut pas s'en passer, c'est le chemin, c'est ce qu'il faut suivre pour suivre Dieu, c'est la parole donnée de la bouche de Dieu à la bouche de Moïse pour nous), la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ ».

Jésus est-il Dieu ? C'est Dieu qu'on attend. C’est quelqu'un qui est dans l'intimité de Dieu, plus que Moïse donc pas simplement ami. La Bible n'a qu'un mot de plus intime qu’ami : fils. De la même substance, né de, pas adopté, pas devenu, comme Moïse ami de. Fils, engendré de, avant le monde, créé, non pas créé mais engendré avant que soit le monde comme nous disons dans le credo.

Je poursuis la lecture de Saint-Jean, il pense uniquement à des textes que nous venons de lire : « personne n'a jamais vu Dieu (personne ne peut voir), Dieu, fils unique qui est dans le sein du père nous l’a dévoilé ». Dieu seul peut faire connaître Dieu. Il faut être dans le face à face ; le fils unique peut accomplir la promesse du Deutéronome. Lui seul parce qu'il est déjà dans la vision de Dieu, parce qu'il est Dieu, un avec le Père - le verbe au commencement, était le verbe et le verbe est auprès de Dieu et le verbe était Dieu ; par lui tout s’est fait, il était la vie, il s'est fait chair, il a habité parmi nous, personne n'a jamais vu Dieu. Dieu, fils unique qui est dans le sein du Père nous l'a dévoilé ; voilà comment Jean fait pour passer de l'ami au fils afin de décrire l'union la plus intime possible avec le Père.

Ceci est la porte d'entrée du Nouveau Testament. Tous les auteurs du Nouveau Testament ne vivent que de ça, n’ont que ce désir de nous transmettre cela. Et c'est à ce niveau que se situe avant même l'écriture des textes du Nouveau Testament, la foi de l'église. Pas au concile de Nicée, encore moins au concile de Chalcédoine qu'on aurait inventé à cause de je ne sais quoi, que Jésus était Dieu, on ne peut pas inventer cette idée-là, elle est complètement bouleversante, elle est en dehors de nos prises, c'est des lèvres des apôtres qui l'ont recueilli des lèvres de Jésus et d'ailleurs tout l'Évangile, c'est le débat entre Jésus et les scribes qui disent : pas possible, tu es un homme, tu ne peux pas nous dire ce qui vient de Dieu comme ça, pas possible ; tu es un homme, tu peux pas être Dieu ; il y a une confrontation d'emblée sur cette question.

Ou Jésus a appris ce qu'il nous dit à l'école des hommes et il est un médiateur inférieur à Moïse, il n'est pas le dernier et un jour, on en attend un dernier qui pourrait être Mahomet alors ; ou Jésus n'est pas inférieur à Moïse et alors il est le prophète eschatologique, il est le Fils, il n'a pas appris à l'école, il est allé à l'école, il a appris, il allait à la synagogue, il a appris à parler, à lire, il a compris la révélation dans la langue de son peuple mais il a aussi une expérience de vision de Dieu face à face dans laquelle s’origine la parole, vision béatifiante d'où naissent les béatitudes, d'où naissent l'affirmation : le Père et moi, nous sommes UN.

D’où peut-être née cette affirmation : le Père et moi nous sommes UN ? Père, je te bénis, créateur du ciel et de la terre, tout ce qui est à toi tu me l’as donné, tout ce qui est à moi est à toi, personne ne connaît le Fils sinon le Père, personne ne connaît le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils le fait connaître. Tous les évangiles chantent la même partition. Mais alors attention aussitôt danger ! Est-ce que Jésus est devant Dieu comme un autre Dieu ? Polythéisme ? Non c'est impossible. Les grecs auraient pu compenser ça, les juifs, impossible il n’y a qu'un Dieu donc l'unité avec le Père est intérieure à l'être divin lui-même. L'unité de Jésus et du Père est intérieure à l'être divin, ce n’est pas un plus un, c'est l'être divin qui existe en plusieurs personnes tellement il est intense, il existe comme Père, comme Fils et comme Esprit. C'est Jésus qui l'enseigne, ce n'est pas une théorie philosophique – elle est drôlement compliquée comme théorie - c'est l'enseignement de Jésus, c'est l'expérience de Jésus qui a introduit sur terre un nouveau concept : Dieu, une nouvelle connaissance de Dieu comme amour, Père, Fils et Esprit. Non seulement Dieu aime mais Dieu est amour donc ni polythéisme ni l'autre solution qui va être inventée ensuite après coup parce que ce qui est, ce qui vient toujours après c’est l’hérésie ; ce n’est pas la doctrine chrétienne. La doctrine chrétienne, elle est des lèvres du Christ qui dit ce qu'il voit du Père, tout ce qu'a fait le Père, il me le montre, le Père ressuscite les morts, vous verrez le fils ressuscité des morts.

L'autre possibilité c'est de dire Jésus est un peu moins Dieu que Dieu. Comme je le disais : est-il vraiment Dieu ? C’est Arius, un grec parce que dans la pensée grecque : ou bien il y a des tas de dieux – polythéisme - ou bien il y en a un seul et tous les autres ne sont pas dieux, en fait ce sont des créatures. Donc la pensée grecque a eu du mal. L'histoire des conciles, ce n’est pas l'histoire de l'invention que Jésus est Dieu. C'est l'histoire de la résistance de l'Évangile à toutes les réductions qui voulaient dire non, il n'est pas vraiment ou il l'est mais il n’est pas vraiment distinct du Père. L’Évangile a résisté à toutes les limitations humaines, à sa force explosive mais sa force était indéracinable parce qu’elle ne s'enracine non pas dans 3 ans d'expérience des apôtres mais dans mille ans de révélations, mais dans l’attente du peuple d’Israël. Retirer l'Ancien Testament, l'Évangile est fragile comme un mur de cartons ; retirer l'Ancien Testament, l'Évangile un mur de cartons, la maison va nous tomber dessus, d’ailleurs elle est tombée dessus.

Jésus dans tous les évangiles va sur la montagne et là il introduit son humanité dans sa vie de Fils. Il fait vivre à son humanité cette expérience de vision face à face, d'engendrement d'écoute du Père, c'est ce qu'on va appeler plus tard la christologie. On va apprendre qui est Jésus en voyant Jésus faire. Non seulement nous avons un enseignement sur le Père mais nous avons un enseignement sur le Fils et les conciles vont développer ça.

Ne pensons pas que tout ceci est étranger au judaïsme, il ne fait que penser cela. On nous dit pour les juifs l'incarnation c'est le grand blasphème, baratin. On nous dit pour les juifs, la trinité c'est le grand blasphème, baratin. Ce qui les gêne, c'est que ça soit Jésus de Nazareth parce qu'ils ne voient pas en lui le prophète comme Moïse. C'est une question historique : est-ce que Jésus est celui que Moïse annonçait ou pas ? Mais la question de l'incarnation est sans arrêt là dans le judaïsme ; elle taraude, elle travaille, elle habite et la question de la trinité, la Bible elle-même sans arrêt pense la pluralité en Dieu, à condition que ce ne soit pas trois dieux mais un dieu dont la richesse s'exprime en plusieurs personnes. Alors là le judaïsme est tout à fait équipé évidemment puisque les chrétiens qui ont écrit l'Évangile n'avaient comme outil et comme catéchisme que la pensée juive. Et vous avez tout au long de l'histoire, des juifs extrêmement mystiques, des Hassids, des sages qui ont vécu presque avec l'idée que l'homme était fils de Dieu personnellement et qui pouvaient eux même incarner la sagesse, faire des miracles, donner une parole qui vienne immédiatement de Dieu et vivent une charité qui fait transporter les montagnes.

Lisez Élie Wiesel sur les récits hassidiques, lisez Martin Buber sur les récits hassidiques, regardez dans un livre ce qu'est la vie du Baal Shem Tov au XVIIe siècle dans l'actuelle Pologne-Ukraine. C'est extrêmement compatible avec les Écritures, c'est même demandé par elle, si bien que et je termine par une citation du Nouveau Testament puisque vous voyez que : Jésus est-il Dieu ? La réponse est dans l'Ancien Testament qui est la clé pour lire le Nouveau. Si vous retirez la clé, la serrure va se fermer mais maintenant on peut lire le Nouveau et toute la profondeur de sens qui est en lui.

Saint-Jean chapitre XIV, vous connaissez ces versets par cœur, il me semble, c'est ma propre expérience, en m’étant fait le disciple du pape puisque j'ai repris simplement les textes dont il donne les références, le travail est là, il a fait le travail pour nous, nous n’avons plus qu’à le recevoir mais c'est beaucoup de travail. Je vous lis donc ces versets que vous connaissez par cœur mais qui vous allez voir aussitôt sont là, des lèvres de Jésus dans le récit de Saint-Jean, la transcription de l'expérience que nous venons de faire j'espère puis vous allez maintenant poser des questions puisqu'il nous reste un quart d'heure : « que votre cœur cesse de se troubler (Jn14, 1), vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures sinon vous aurais-je dit que je j'allais vous préparer le lieu où vous serez ; lorsque je serai allé vous le préparer, je viendrai, je vous prendrai avec moi si bien que là où je suis vous y serez, vous aussi ». Nous sommes invités à entrer dans l'intimité du Père, à devenir fils. Quant au lieu où je vais, l'avenir, vous en savez le chemin. Ce qu'indique le prophète. Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment connaîtrions-nous le chemin ? » Nous ne connaissons pas le Père. Quelle humilité ! C’est vrai, comment connaître le chemin ? Jésus lui dit : « je suis le chemin, la vérité et la vie ». Le chemin, c'est donc il est ce qu'il nous faut pour avancer ; la vérité c’est ce qui nous permet de savoir où nous allons, la vie ce que nous désirons. Personne ne va au Père si ce n'est par moi, il est le prophète eschatologique : personne ne va au Père si ce n'est par moi. Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père, ma connaissance de Dieu, si vous me connaissez moi Jésus, ce n’est pas si vous connaissez le Père vous connaîtrez le Père, si vous connaissez Jésus, vous connaîtrez le Père. Moïse n'a jamais dit si vous me connaissez, vous connaîtrez Dieu. Il n'était pas dans cette intimité-là mais l'intimité de Jésus et du Père et telle qu’en le connaissant, on connaît le Père. Déjà au plan humain, connaître un fils c'est déjà un peu connaître le père ou la mère.

Dès à présent, vous le connaissez, vous l'avez vu. Donc vous l'avez vu. Personne n'a jamais vu Dieu. Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père, ça nous suffit ». C’est ce que Moïse a demandé. Jésus lui dit : « je suis avec vous depuis si longtemps et cependant Philippe, tu ne m'as pas reconnu » et voici la phrase : « celui qui m'a vu a vu le Père ». L'intimité qu’a Jésus avec le Père fait que dans son être même, dans sa manière d'agir, dans sa manière de parler, d'accueillir, d'être la miséricorde et la tendresse, d'être la force et la puissance, d'être l'abandon et l'autorité, qui m'a vu a vu le Père. Et nous avons un livre dans lequel nous pouvons voir Jésus. Le disciple de Jésus est impliqué par lui dans sa communion filiale avec le Père. Donc c'est non seulement est ce que Jésus est vraiment Dieu la question mais est ce que nous sommes vraiment fils de Dieu ? Oui, si nous regardons Jésus.

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