Zita de Habsbourg : dernière impératrice d'Europe
Connaissez-vous Zita de Habsbourg, l'impératrice qui a bravé les tumultes de la guerre et de l'exil avec une foi inébranlable ? De la couronne impériale aux œuvres de charité, elle fut une témoin édifiante au milieu des tempêtes du XXème siècle.
«Sans ceux qui nous ont précédés, nous ne serions rien », disait Zita de Bourbon-Parme en pensant à sa mère et à ses tantes, femmes exemplaires et rayonnantes, princesses de la famille royale du Portugal.
“Elles avaient pour principe : « Rien n’est durable dans ce monde, rien n’est plus aléatoire que la puissance temporelle. Ce qui compte, c’est l’amour et rien d’autre. »”
Mais la reconnaissance de Zita allait surtout à son époux Charles de Habsbourg-Lorraine, petit-neveu de l’empereur d’Autriche François-Joseph. Devenu lui-même empereur dans la tourmente de la Grande Guerre, Charles, fidèlement épaulé par son épouse, a tenté l’impossible pour rendre la paix à ses peuples et au monde entier. Mort en exil en 1922, il a été béatifié par saint Jean-Paul II le 21 octobre 2004. Zita, dernière impératrice d’Europe, lui a survécu soixante-sept ans avec courage.
Cinquième de douze enfants, Zita-Maria de Bourbon-Parme naît le 9 mai 1892 à Pianore (Italie). Elle est fille de Robert de Parme et de Maria-Antonia de Bragance, épousée en secondes noces. La question des origines de la famille s’élève fréquemment : « Les gens de Pianore, rapporte Zita, nous considéraient tout à fait comme des leurs. Nos amis de Schwarzau-am-Steinfeld estimaient que nous étions des Autrichiens. À Chambord, nous étions revendiqués comme Français (les Bourbon-Parme sont des descendants directs de Louis XIV). Tout cela nous paraissait à la fois étrange et beau. Mais Papa devait de temps en temps préciser notre situation : nous sommes des princes français qui avons régné sur Parme. » L’exercice du pouvoir politique, qui a longtemps été le lot de la famille de Zita, est au service du bien commun : « La politique est une expression qualifiée et exigeante de l’engagement chrétien au service des autres. La recherche du bien commun dans un esprit de service, le développement de la justice avec une attention particulière aux situations de pauvreté et de souffrance, le respect de l’autonomie des réalités terrestres, le principe de subsidiarité, la promotion du dialogue et de la paix dans la perspective de la solidarité, doivent inspirer l’action politique des chrétiens laïcs » (Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, CDSE, n° 565).
L’enfance joyeuse de Zita
Zita garde un excellent souvenir de sa jeunesse : « J’ai eu une enfance extrêmement heureuse et gaie… Le double déménagement d’Autriche à Pianore et le retour, au printemps, à Schwarzau, où nous passions l’été, était pour nous, enfants, l’événement majeur. » Elle se souvient : « Si, pendant les vacances, nous étudiions trop peu selon nos précepteurs, il nous fallait coudre, raccommoder et rapiécer. Et pas seulement notre propre linge, mais aussi le linge des personnes âgées et des malades de Schwarzau. » Les filles s’occupaient aussi des malades sans famille : « Le soir, nous rentrions souvent épuisées et devions nous désinfecter par mesure préventive envers les plus jeunes. Quand ce nettoyage durait trop, notre mère nous rappelait : “La charité est le meilleur remède contre les risques de contagion.” »
Il y a aussi des temps de détente, où les enfants princiers peuvent pique-niquer à leur aise et se livrer jusqu’au soir à des cavalcades, baignades et jeux avec les enfants du village. L’éducation est ferme, mais pleine d’amour : « À nos yeux, la privation de dessert – rarement infligée – était la pire punition. Car nos repas étaient simples : un petit rien de sucré en plus était une fête… Ma mère était sévère, mais nous l’adorions. Papa était la gaieté et la bonté mêmes. Il n’a jamais frappé, mais lorsqu’il devait gronder l’un de nous, cela nous touchait durement. » Entre eux, les enfants rient et bavardent ; mais avec les invités, il faut respecter l’ordre hiérarchique et faire la révérence. Les jeunes altesses apprennent vite à deviner l’importance des hôtes au volume de la poussière soulevée par l’attelage ou le cortège qui les amène. « Bien sûr, avouera Zita, nous préférions souvent ceux qui soulevaient le moins de poussière ! »
Zita est en pension au couvent de Zangberg, en Haute-Bavière, quand elle apprend que son père est mourant ; il est rappelé à Dieu le 16 novembre 1907, avant qu’elle n’ait pu le revoir. En 1909, sa mère l’envoie étudier à Ryde sur l’île de Wight, chez les moniales de Solesmes alors en exil. Sa grand-mère maternelle, entrée au monastère après son veuvage, y est Prieure, et sa sœur Adélaïde, moniale depuis peu. Là, Zita reçoit un enseignement de grande valeur en philosophie, théologie et musique. Dans son âme naît l’attrait du cloître.
Rencontre et mariage de Zita et Charles de Habsbourg
Cependant, Zita et Charles, qui se connaissent depuis l’enfance, se fréquentent avec une joie croissante. En 1911, l’archiduc demande sa main à la jeune princesse en lui offrant une bague de fiançailles que Zita met dans sa poche avec un « Merci ! » espiègle. Le 24 juin, Zita et sa mère sont reçues par le Pape Pie X. Au cours de l’audience, celui-ci déclare à la jeune fille, avec un sourire : « Ainsi vous allez épouser l’héritier du trône ? » Par trois fois, Zita essaie de le détromper : « Très Saint-Père, mon fiancé est l’archiduc Charles ; l’archiduc héritier est François-Ferdinand. » Le Pape ne modifie pourtant pas son propos : « Je me réjouis infiniment que Charles soit la récompense accordée par Dieu à l’Autriche pour les services qu’elle a rendus à l’Église. » Au sortir de l’entrevue, Zita glisse à sa mère : « Dieu merci, le Pape n’est pas infaillible en matière de politique ! – Je témoignai, lors du procès de béatification de Pie X, dira Zita, qu’il s’agissait tout de même d’une prophétie qui s’est pleinement réalisée. »
Lors d’un meeting aérien près de Vienne, les jeunes fiancés sont ovationnés. Zita s’assombrit : « Ces acclamations ressemblent à des clameurs d’insurrection », remarque-t-elle. Charles s’en étonne, mais elle évoque alors la chute de sa famille à Parme et des Bragance au Portugal : « Il faut être réaliste, notre vie est fragile et le pouvoir éphémère. » Charles se tait plusieurs minutes. Il pèse le poids des mots. « Je crois comprendre ce que tu veux dire…, mais en Autriche, il en va autrement. Je t’en prie, n’en parlons plus ! » Zita remarquera : « Durant des années, nous n’en parlâmes plus. Ce fut le 24 mars 1919, juste après que nous eûmes franchi la frontière pour gagner l’enfer de l’exil, que Charles me dit : “Tu avais raison…” Je compris immédiatement ce qu’il voulait dire. – “Comme je préfèrerais avoir eu tort !”, dis-je à voix basse. Ce fut le dernier mot de notre dispute, ou plutôt de la plus grande divergence de vue que nous eûmes jamais. »
Le mariage est célébré le 21 octobre 1911 avec tout le faste que réclame l’une des plus grandes cours d’Europe. Le voyage de noce des altesses consiste à parcourir en automobile l’empire austro-hongrois. Charles peut s’exprimer dans les dix-sept langues parlées dans l’empire, et il en connaît six parfaitement ; Zita apprend avec ferveur les rudiments de celles qui lui manquent. Le 20 novembre 1912, elle donne naissance à Otto, le premier de leurs huit enfants. Charles a repris sa vie d’officier de dragons, tout en intensifiant ses relations avec son oncle François-Ferdinand. Depuis longtemps déjà, l’archiduc héritier expose volontiers ses vues politiques à son neveu et le prépare ainsi à ses responsabilités futures.
« Dans le contexte de l’engagement politique du fidèle laïc, note le Compendium, il faut accorder un soin particulier à la préparation en vue de l’exercice du pouvoir que les croyants doivent assumer… L’exercice de l’autorité doit assumer le caractère de service, qu’il faut toujours accomplir dans le cadre de la loi morale pour la réalisation du bien commun : celui qui exerce l’autorité politique doit faire converger les énergies de tous les citoyens vers cet objectif, non sous forme autoritaire, mais en se prévalant de la force morale alimentée par la liberté » (CDSE, n° 567).
L’ultimatum
Un soir, lors d’un dîner familial, François-Ferdinand confie à son neveu : « Je vais être assassiné ! Charles, certains documents, sous clef dans un coffret, te sont destinés. Ce sont des réflexions, des projets, des idées, peut-être te seront-ils utiles. Mais, silence, je ne veux pas que Sophie soit triste. » L’héritier avait épousé Sophie Chotek – mariage morganatique car l’épouse n’avait pas les quartiers de noblesse suffisants pour devenir impératrice ; en conséquence leurs enfants ne pouvaient hériter du trône. Zita comprend aussitôt que Charles risque de succéder à son oncle à la tête de l’empire bien plus tôt que prévu. Le 28 juin 1914, Charles et Zita apprennent avec douleur l’assassinat du prince héritier et de son épouse à Sarajevo, par un nationaliste serbe. « Nous étions curieusement écartelés, se souviendra Zita. D’un côté, il fallait tout mettre en œuvre pour obtenir la paix. Cela allait dans le sens de l’héritier du trône assassiné. De l’autre, et on l’oublie trop facilement avec le recul du temps, une grande puissance comme l’Autriche-Hongrie ne pouvait se permettre de laisser assassiner l’héritier du trône qui incarnait l’avenir ! Dans une telle situation, aucun gouvernement n’aurait pu faire comme s’il ne s’était rien passé ! » L’empereur François-Joseph estime donc ne pas pouvoir éluder le devoir de justice et, se croyant en mesure de circonscrire localement le conflit, il lance à la Serbie l’ultimatum qui déclenchera, de fait, l’engrenage des alliances offensives et la guerre européenne. La famille de Zita est divisée : trois fils combattront dans l’armée impériale alliée à l’Allemagne tandis que les deux aînés, Sixte et Xavier, rejetés par la République française, en tant que princes Bourbon, s’engageront dans l’armée belge. Zita voile son émotion lors de la dernière soirée en famille sur la terrasse de Schwarzau. Xavier note dans son journal : « Jamais nous n’avions été aussi conscients qu’à cet instant de la solidité de nos liens. Nous combattons sur des fronts tout à fait différents, et pourtant, nous sommes tous dans le camp de ceux qui défendent l’Europe contre ceux qui veulent démolir notre continent. »
Durant la guerre, Zita est chargée d’inspecter les hôpitaux et de faire un rapport circonstancié. Les conditions deviennent vite déplorables. Ayant prédit une issue désastreuse de la guerre, l’empereur François-Joseph cherche un moyen de rétablir la paix, mais ses conseillers et l’esprit du peuple, influencé par la propagande allemande, s’y opposent. Il travaille encore à ce dessein lorsqu’il expire, âgé de quatre-vingt-six ans, le 21 novembre 1916. Charles devient alors empereur.
“Zita est animée du même esprit de foi que son époux : « Mille pouvoirs, puissance unique ! dira-t-elle. Toutes les forces qui, autour de nous, s’agitent, poussent ou freinent, ne sont rien à côté de l’Unique Puissance (Dieu) qui nous domine. C’est à son service qu’a été l’empereur Charles. »”
Le couronnement comme souverains de Hongrie à Budapest, le 23 décembre 1916, fait penser à la transfiguration de Jésus sur le Thabor avant sa Passion. La couronne des reines de Hongrie est mise sur la tête de Zita, puis la couronne de saint Étienne, premier roi de Hongrie, dont Charles vient d’être ceint, lui est posée sur l’épaule droite par l’archevêque-primat qui dit : « Reçois la couronne de la souveraineté, afin que tu saches que tu es l’épouse du roi et que tu dois toujours prendre soin du peuple de Dieu. Plus haut tu es placée, plus tu dois être humble et rester en Jésus-Christ. »
“Ces cérémonies fastueuses ne font pas oublier au couple royal les souffrances du peuple éprouvé par la guerre : les dix-huit plats du banquet de ce jour sont seulement présentés aux convives avant d’être envoyés aux blessés de l’hôpital de guerre de Budapest ; le bal traditionnel est supprimé.”
Zita réconforte son peuple
Le nouvel empereur prend rapidement le commandement effectif de l’armée ; par sa prudence, il épargne des vies par centaines de milliers. De son côté, Zita réconforte son peuple et lui procure tout le soutien matériel en son pouvoir. Dès 1917, l’empereur tente de conclure une paix séparée entre l’Autriche et les Alliés (France, Angleterre, Italie). À cette fin, il dépêche, à plusieurs reprises, les princes Sixte et Xavier auprès des gouvernants de la France et de l’Angleterre. Malheureusement, diverses menées politiques font échouer ces tentatives qui auraient sauvé tant de vies.
« Le cinquième commandement interdit la destruction volontaire de la vie humaine. À cause des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment chacun de prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de l’antique servitude de la guerre. Chacun des citoyens et des gouvernants est tenu d’œuvrer pour éviter les guerres… Aussi longtemps cependant que le risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifiques, le droit de légitime défense » (CEC nos?2307-2308).
En octobre 1918, une révolution d’inspiration communiste éclate à Budapest et l’empire se désagrège rapidement. Le 3 novembre, un armistice est signé entre l’Autriche-Hongrie et les puissances de l’Entente. Alors que la révolution gagne la capitale autrichienne, la majorité des gardes impériaux abandonnent leur poste. Les cadets de l’école militaire se présentent spontanément pour assurer la protection du palais impérial de Schönbrunn au grand réconfort de Zita, émue par ces jeunes gens dont le courage fidèle l’emporte sur celui de leurs aînés. Quelques milliers d’ouvriers socialistes, habilement manipulés par des agitateurs républicains, réclament “au nom du peuple” le départ des Habsbourg. L’empereur se refuse à verser le sang de ses peuples qui a déjà tant coulé, et, le 11 novembre 1918, il renonce à exercer ses fonctions, sans pour autant abdiquer. La famille impériale se retire dans une demeure de chasse où elle est exposée à l’insécurité, au froid, à la malnutrition et à la maladie. Le lieutenant-colonel anglais Strutt, chargé par le gouvernement britannique d’améliorer les conditions de vie de Charles et Zita, devient un ami précieux. Face aux menaces révolutionnaires, il conseille aux souverains de quitter leur pays. Charles s’y résout le 24 mars 1919. L’exil commence en Suisse. De là, il tente par deux fois, avec le soutien moral du Pape Benoît XV, de restaurer la monarchie en Hongrie, mais en vain. Les Alliés exilent alors Charles et Zita sur l’île de Madère. Ils s’y installent le 19 novembre 1921 avec quelques serviteurs, mais sans leurs enfants qui ne les rejoindront que plus tard. Leurs biens personnels sont spoliés et ils ne touchent aucune des compensations financières qui leur avaient été promises.
“Le climat hivernal est froid et humide, la maison mal chauffée. Le 9 mars 1922, l’empereur est atteint d’une congestion pulmonaire ; il meurt le 1er avril, premier samedi du mois, jour consacré au Cœur Immaculé de Marie.”
Un grand devoir
Le 13 mai, anniversaire de la première apparition de la Vierge à Fatima, Zita consacre sa famille au Cœur Immaculé de Marie, avant de quitter Madère pour l’Espagne. Désormais, elle est régente pour son fils Otto :
“« J’ai un grand devoir politique, et peut-être celui-là seulement. Je dois élever mes enfants selon l’esprit de l’empereur, en faire des hommes bons qui craignent Dieu. L’histoire des peuples et des dynasties – qui ne compte pas le temps à l’aune d’une vie humaine, mais selon des mesures beaucoup plus longues – doit nous inspirer confiance. »”
En août 1922, la famille impériale s’établit à Lekeitio au pays basque espagnol, assez proche de Lourdes que Zita aime beaucoup. En 1929, Zita fixe sa demeure en Belgique, près de Louvain. Elle y mène une vie champêtre réglée par une étiquette simplifiée, cultive les roses et s’occupe parfois elle-même des vingt-cinq chèvres et moutons. Pour ses enfants, elle choisit des écoles catholiques francophones. Otto obtiendra, en 1935, à l’université de Louvain, un doctorat en sciences politiques et sociales. Le 20 novembre 1930, parvenu à l’âge de la majorité, il devient chef de la Maison de Habsbourg.
En 1938, Hitler envahit l’Autriche pour réaliser l’Anschluss (annexion en vue de l’unification politique des peuples de la “Grande Allemagne”). Le dictateur, né en Autriche, a toujours haï les Habsbourg. Le 22 avril, Otto est condamné à mort pour haute trahison en raison de son hostilité au Reich. Le 9 mai 1940, jour anniversaire de l’impératrice, les Allemands attaquent la Belgique. Le 10 à l’aube, les bombardiers de la Luftwaffe survolent la résidence impériale. Les dix-sept occupants partent précipitamment pour la France dans trois automobiles. Deux heures plus tard la maison brûle ; pour Otto, il s’agit d’« une petite attention d’Hitler ». La famille s’embarque pour New York puis s’établit près de Québec, où les quatre benjamins finiront leurs études à l’université catholique. Les quatre aînés gagnent leur vie, et défendent les intérêts de leurs peuples aux États-Unis ou en Angleterre. L’impératrice représente Otto auprès du président Roosevelt ; le 11 septembre 1943, celui-ci la reçoit à Hyde Park. Zita plaide en faveur de l’Autriche et d’un projet de fédération des peuples danubiens. D’autre part, elle se dévoue pour récolter des fonds et soutenir ses sujets par toutes sortes d’aides. À Noël 1948, elle s’installe près de New York et rend un dernier service politique à l’Autriche. Ayant appris que le Sénat compte exclure son pays du Plan Marshall, en raison du prétendu accueil enthousiaste donné à Hitler en 1938, l’impératrice convainc une cinquantaine de femmes de sénateurs d’agir auprès de leurs époux pour rétablir la vérité. Grâce à elles, des subsides pour l’Autriche sont votés.
Parmi les moniales, fin de vie de Zita de Habsbourg
Les mariages de trois des enfants recentrent la famille en Europe. En 1953, Zita décide de se fixer au château de Berg, propriété des grands-ducs de Luxembourg. Oblate bénédictine de Sainte-Cécile de Solesmes depuis 1926, elle ressent un attrait renouvelé pour le cloître. L’Abbé de Saint-Pierre de Solesmes la dissuade pourtant de quitter le monde en raison de sa position sociale qui lui permet d’œuvrer en faveur d’une Europe dont l’identité est incompréhensible sans le christianisme. Toutefois, grâce à un indult de Pie XII, Zita pourra faire plusieurs séjours parmi les moniales, au total plus de trois années. Sa petite-fille Catherine, qui la voit un jour derrière les grilles du parloir, s’écrie : « Grand-maman, vous voilà en prison ? ! – Mon enfant, répond l’impératrice, est-ce moi qui suis en prison ou est-ce toi ? » En 1959, elle se voit refuser par les autorités politiques d’assister aux obsèques de sa mère qui ont lieu en Haute-Autriche, dans une propriété des Bourbon-Parme. À cette époque, Zita séjourne alternativement chez ses enfants, en Bavière et à Bruxelles. En 1962, elle s’établit à Zizers, dans le canton suisse des Grisons.
“Levée dès 5 h 00, l’impératrice assiste chaque jour à plusieurs Messes, médite sur la Passion de Jésus en s’aidant des quinze oraisons de sainte Brigitte et récite assidûment le chapelet.”
En 1982, un arrêt de la Haute-Cour de justice administrative reconnaît que la loi d’exil anti-Habsbourg n’aurait pas dû concerner Zita, membre allié de cette dynastie. Son retour triomphal en Autriche, la même année, après soixante-trois ans d’exil, compte parmi ses plus grandes joies. Le 13 novembre, plus de 20 000 personnes assistent à la Messe célébrée en sa présence dans la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Estimant qu’être forcé à l’exil n’autorise pas à abandonner la mission reçue de Dieu, elle n’a jamais renoncé à ses titres. Cependant, sa santé se détériore : elle perd l’usage de ses yeux et se déplace difficilement.
“Mais ceux qui l’entourent témoignent de sa grande patience, dans l’attente sereine de la mort qui lui permettra de retrouver son époux.”
Décédée le 14 mars 1989, à l’âge de 96 ans, elle est inhumée dans la crypte des Capucins à Vienne, avec l’apparat du rituel impérial dû à son rang. Son cœur repose avec celui de Charles à l’abbaye de Muri, dans le diocèse de Bâle. Le procès de béatification de l’impératrice a été ouvert en 2009. Les grâces obtenues par son intercession peuvent être signalées à l’Association pour la béatification de l’impératrice Zita, Abbaye Saint-Pierre, 1 place Dom Guéranger, 72300 Solesmes.
Puissions-nous, à son exemple, apprendre à servir Dieu et son règne pour le bien de notre pays et de l’Europe, au milieu même des circonstances humainement les plus défavorables !