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Écologie

Et Dieu dans tout ça ?

Edgar Morin, philosophe et sociologue, Pierre Rabhi, essayiste, agriculteur et fondateur du mouvement Colibris et Emmanuel Faber, ancien PDG de Danone et président de l'ISSB, discutent autour des changements, à la fois sociétaux et humains, et des chemins qu'il reste à emprunter pour atteindre un vivre ensemble planétaire.

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Un modèle économique en question

L'actualité brûlante de la question environnementale pose entre autres la question de l'agriculture. L'industrialisation massive de cette dernière au XXe siècle a permis une explosion de sa productivité, avec pour résultante la constitution des grands groupes de l'agro-alimentaire.

Une des conséquences de ce phénomène est la précarisation des agriculteurs, des propriétaires de petites exploitations, fragilisés par la concurrence de la grande industrie. La suite directe en est l'apparition des grandes surfaces et l'extension de leur monopole ayant conduit à la disparition quasi-totale des petits commerces.

Une des conséquences de ce phénomène est la précarisation des agriculteurs, des propriétaires de petites exploitations, fragilisés par la concurrence de la grande industrie.

Or, ces derniers ne favorisaient pas seulement la vitalité économique des localités, mais également la création d'un lien social. Leur disparition va de pair avec celle d’autres espaces de convivialité et de socialisation qui permettaient de faire de la rue, non pas un lieu de transit, un couloir de circulation, mais un espace de vie et d’échange.

Les conséquences délétères d'un tel système, qui ne concerne pas que l'agriculture mais notre fonctionnement économique global, sont patentes, qu'il s'agisse des dommages causés à la biodiversité à l'échelle mondiale ou de la désertification des campagnes, et plus généralement de l'éclatement des relations sociales dans nos sociétés.

« Je ne suis pas né pour le Produit National Brut, je suis né pour autre chose ». Pierre Rahbi

Un univers dissocié

En effet, notre civilisation semble marquée par une fragmentation générale de tous les aspects de la vie, qu'il s'agisse de l'activité professionnelle ou de la conception du monde. Elle est liée à un phénomène général de standardisation de l'existence, liée aux profondes transformations opérées par l'industrialisation de l'économie moderne.

Elle induit une compartimentation, à la fois des choses et des êtres humains. Cette inhumanité des rapports humains propre à nos sociétés, cette destruction de la convivialité, produisent un profond malaise intérieur généralisé. La prégnance profonde de ce "mal-être", selon le mot d'Edgard Morin, rend nécessaire de repenser nos systèmes en profondeur, pour concevoir un avenir humain qui vaille la peine d'être vécu. Cela par ailleurs ne doit pas passer que par la réforme des systèmes sociaux, mais par une éthique de la relation.

"Il est capital de renouveler un système de pensée qui conduit à séparer les choses et à ne pas voir les liens qui les unissent" Edgard Morin

Quelles solutions ?

Le retour à un vivre-ensemble réel et pérenne impliquerait, parmi de multiples choses, un retour à la terre, fondée sur une éthique respectueuse et qui permette aux petits producteurs de faire fonctionner leurs exploitations et d’en vivre. Plus généralement, s'impose la nécessité de changer en profondeur la structure de la grande industrie de l’agro-alimentaire, et de notre système économique dans son ensemble.

Il ne s’agit pas seulement de créer une agronomie verte : l’enjeu s’étend plus largement au renouvellement des relations sociales, le repeuplement des campagnes, aujourd’hui désertées et désertiques, et le rétablissement des liens de solidarité et de convivialité qui en faisaient autrefois des espaces fournissant une qualité de vie disparue aujourd’hui.

Plus généralement, s'impose la nécessité de changer en profondeur la structure de la grande industrie de l’agro-alimentaire, et de notre système économique dans son ensemble.

Un autre impératif se pose, pour pacifier nos sociétés : la nécessité de réinventer également le rapport à la religion et à Dieu. Le constat de tous les extrêmes, de tous les fanatismes auxquels elle a donné lieu doit donner l’occasion de redéfinir en profondeur notre conception à un Divin que l’on comprend d’autant moins qu’on le recouvre de mots et de notions. Un certain sens du silence s’impose alors, dans nos façons de parler de Dieu et de le concevoir, qui doit par là même favoriser un recul vis-à-vis de nos conceptions, de nos systèmes et de nos pratiques.

Le constat de tous les extrêmes, de tous les fanatismes auxquels elle a donné lieu doit donner l’occasion de redéfinir en profondeur notre conception à un Divin que l’on comprend d’autant moins qu’on le recouvre de mots et de notions.

La construction d’une humanité apaisée doit passer par l’articulation de ces prises de conscience et de ces réformes en profondeur que nous devons faire de nos systèmes économiques, culturels et spirituels.

Débat animé par James Combépine.

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