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Art et Culture

Charles Péguy, anticlérical et théologien ?

Publié le
18/7/23
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À l’occasion du centenaire de la mort de Charles Péguy, les Mardis des Bernardins accueillaient Claire Daudin, normalienne, autrice et présidente de l'Amitié Charles Péguy, le pasteur Michel Leplay, ancien directeur du journal Réforme et membre du Groupe des Dombes, ainsi que le Père Robert Scholtus, prêtre du diocèse de Metz et membre de l'Amitié Charles Péguy. Plongée dans la pensée de celui qui ne cessait de réconcilier les paradoxes, parvenant à concilier une foi profonde avec une aversion pour le corps du clergé.

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Péguy : un poète en dialogue avec Dieu

« Péguy dérange tout le monde et n’arrange personne."  Pasteur Michel Leplay

Est-il opportun de qualifier Péguy de théologien ? En effet, bien qu'il ait été reconnu comme tel par de grands penseurs chrétiens, il est avant tout un écrivain. L'étymologie du terme associe theos et logos, elle signifie avant tout la rencontre de Dieu et de sa parole. Or, Péguy n’a pas souhaité être celui qui parle de Dieu à la façon des théologiens systématiques. En revanche, il l'évoque dès son enfance, notamment à travers la prière. Mais surtout, il est quelqu’un à qui Dieu parle, voire à qui il donne la parole.

Un chrétien sans concession

Réconciliant les paradoxes, Péguy était également anticlérical, mais d’un anticléricalisme que l’on qualifie souvent de théologien, voire chrétien. Il s’est par exemple opposé aux radicaux qui refusaient aux religions leur place dans la Cité. Il accusait les clercs d’avoir commis la « grave faute mystique » d’ignorer la condition humaine. Ce faisant, ils méprisent ce pourquoi Dieu est venu au monde.

Réconciliant les paradoxes, Péguy était également anticlérical, mais d’un anticléricalisme que l’on qualifie souvent de théologien, voire chrétien.

En outre, Péguy n’éprouve pas le besoin de mettre des intermédiaires dans sa relation à Dieu. Il craint qu’une caste ne s’accapare la vérité. Ce regard critique sur une Église qu’il qualifie, non sans sarcasme, de bourgeoise ou de distinguée, lui vient sans doute de la « pauvreté décente » dans laquelle il avait grandi. Il regarde avec horreur un catholicisme devenu une religion de classe. Il revendique donc le statut d’excommunié, comme garantie de son indépendance intellectuelle et religieuse.

Péguy, chrétien socialiste

Il faut souligner que la seule véritable conversion de Péguy concerne le socialisme : il prend conscience que la politique a pour plus haute mission de hisser les pauvres hors de la misère. Cette ferveur socialiste est portée à incandescence avec l'Affaire Dreyfus, que Péguy conçoit comme une épopée pour la justice et la vérité (« nous fûmes des héros »).

« Péguy ne distingue pas les identités confessionnelles. Pour lui, ce qui est important, ce sont les gens qui ne trichent pas. » Pasteur Michel Leplay

C’est également à ce moment-là qu’il tisse des liens décisifs avec le judaïsme, notamment via son amitié avec Bernard Lazare. Le judaïsme lui permettra d’articuler le socialisme et le christianisme. Il est un pionnier en matière de relations interreligieuses, il inspira la fondation de l’Amitié Judéo-Chrétienne.

C’est le judaïsme qui lui permettra d’articuler le socialisme et le christianisme.

Contre l'embrigadement de la pensée

Péguy est récupéré par des personnalités issues de tous les horizons : socialistes, patriotes, internationalistes, chrétiens dévots, laïcs, etc. Or, c’est une pensée qui est dénaturée si on la rétrécit. Péguy était lui-même très méfiant à l'égard de l’instrumentalisation et de l’accaparement des idées. « Pour qui me prenez-vous ? Qui me faites-vous ? », fait-il dire à Dieu dans l'un de ses poèmes.

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