Théologie et Technique

L’objectif de cette recherche du département Humanisme numérique est de proposer un canon de la « théologie de la technique », en relisant certains classiques de la pensée européenne sous un angle nouveau ; et d’autre part, d’élaborer une réflexion théologique sur les grands défis contemporains, afin de mieux comprendre et accompagner les transformations en cours.

Au XXᵉ siècle, la théologie a montré un intérêt croissant pour la technologie. Des penseurs comme Gabriel Vahanian et Jacques Ellul dans le monde protestant, ou Ivan Illich et Romano Guardini dans le monde catholique, ont marqué durablement la réflexion sur le sens et la valeur des transformations techniques. Plus récemment, l’encyclique Laudato si’ du pape François a donné à cette réflexion une résonance internationale, en liant critique de la technologie et enjeux écologiques.

Mais la relation entre théologie chrétienne et technologie est bien plus ancienne. Depuis la patristique grecque et latine jusqu’à la théologie contemporaine, en passant par la scolastique, la théologie a constitué un véritable laboratoire conceptuel. Elle a façonné des notions et des imaginaires qui influencent encore aujourd’hui notre manière de penser et de vivre la technique. Là où la philosophie a souvent insisté sur les racines grecques de la technè, la théologie a apporté une contribution décisive à l’élaboration du vocabulaire et des représentations de la technique en occident.

Cette relation forme un réseau dense de discours qui se développent à plusieurs niveaux : l’histoire des concepts, l’histoire des imaginaires et l’histoire des pratiques. La théologie ne doit donc pas être réduite à une spéculation théorique : elle est aussi une praxéologie, une réflexion sur le sens de l’agir humain.

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TROIS AXES DE TRAVAIL

Le canon de la théologie de la technique

Ce premier axe vise à établir un cadre de référence pour la théologie de la technique. Il se développe en deux volets : d’une part, la relecture critique de figures majeures de l’histoire théologique (par ex. Ivan Illich), afin de mettre en lumière leur apport à la réflexion sur la technique; d’autre part, l’analyse de concepts-clés — instrument, création, cause, progrès, institution, économie — qui pourraient constituer les entrées d’un dictionnaire de la théologie de la technique.

L’enjeu principal de cet axe est historiographique et critique :il s’agit de revisiter les sources pour mieux comprendre comment la théologie a pensé, et continue de penser, la technique.

L’analyse critique des imaginaires techniques

Ce deuxième axe explore la présence de motifs chrétiens et religieux dans les récits contemporains sur la technologie. Du cloud au métavers, nombre de transformations technologiques mobilisent un imaginaire marqué par la transcendance et la chute, le salut et la faute, la promesse et le silence. Cet axe analyse ces récits publics, qu’ils circulent dans le débat académique, les médias, les arts ou la littérature, afin de montrer comment l’héritage religieux structure encore aujourd’hui notre manière de penser la technique.

Pratiques et affects numériques

Ce troisième axe envisage l’histoire de la théologie comme un répertoire de pratiques corporelles et de théories des affects, éclairant la relation entre l’humain, son corps, l’environnement et le monde. Face aux récits qui présentent le numérique comme immatériel, il propose de lire les technologies comme de nouvelles manières de vivre la corporéité et les relations affectives. Cela ouvre à la fois des défis et des opportunités, en invitant à repenser les pratiques interactives. La tradition théologique offre ici un réservoir de « techniques du corps et de l’agir », utiles pour imaginer des formes de vie intégrées aux environnements technologiques contemporains.

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ORIGINALITÉ

Le Collège des Bernardins a été l’un des premiers à consacrer un séminaire spécifiquement à la technologie dans une perspective théologique. Ce choix, original dans le paysage des instituts théologiques, peut être vu comme une démarche d’avant-garde par rapport aux sciences humaines, où les études sur la technique connaissent aujourd’hui un essor décisif.

Alors que la technologie devient un objet central de réflexion pour la théologie comme pour les sciences humaines, ce projet propose pour la première fois une analyse globale et radicale de la technique en clé théologique, offrant ainsi une contribution inédite au débat académique et institutionnel

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POSITION PAPER DU DÉPARTEMENT - MAI 2024

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