Semaine pour l’unité des chrétiens
En 2023, la Semaine pour l’unité des chrétiens s’empare des propos d’Esaïe : « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice » (Isaïe 1,17). Ambitieux programme ! Le père Jean-Baptiste Arnaud co-directeur du département politique et religions nous offre son décryptage.
« Apprenez à faire le bien », comment et à quelles conditions cette parole peut-elle encore nous inspirer ?
Cette parole vient de Dieu et contient en elle-même les conditions de son accomplissement en nous.
Le prophète Isaïe, d’où est tiré ce verset, nous a aussi transmis ces mots : « Ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission » (Is 55, 11).
L’homme est fait pour le bien, pour la vérité, pour la vie, pour se laisser attirer et former à ce bien. Le bien s’acquiert et s’apprend ainsi patiemment, lentement, en consentant à ce que la conscience humaine soit façonnée par le rayonnement à la fois lumineux et discret du bien. Cela suppose un travail intérieur d’éducation, de la conscience et de la liberté, toujours appelées à choisir le bien et à renoncer au mal, et plus encore, orientées par la reconnaissance du bien à accomplir dans toute situation, et du meilleur bien possible à faire ici et maintenant. Cette éducation à la sagesse et à la vertu est une tâche personnelle et aussi commune, sociale. « La Parole de Dieu nous rend attentifs les uns aux autres » disait Benoît XVI en inaugurant le Collège des Bernardins le 12 septembre 2008.
Comment ?
L’Evangile, et plus largement la révélation chrétienne, nous est donné comme une source d’inspiration, « vivante et énergique », mais aussi « tranchante » nous dit l’épitre aux Hébreux (He 4, 12). L’enjeu pour la théologie est d’oser apparaître comme une ressource crédible pour éclairer les enjeux spirituels, certes, mais aussi les enjeux rationnels profonds tels que les choix politiques et sociaux.
Elle doit également accepter de se laisser interroger, bousculer, voire contester, par le débat démocratique. Il s’agit tout particulièrement pour la théologie de susciter les médiations rationnelles et les traductions contemporaines nécessaires à un dialogue vrai.
Cela implique de mobiliser la dimension narrative, symbolique et poétique du langage humain, et spécialement politique, afin de lui permettre de rejoindre et d’assumer davantage la réalité de l’existence et du monde.
« Recherchez la justice » … A travers vos travaux de recherche vous soulignez qu’il n’existe pas une seule justice…
La justice, comme le bien, est d’abord un attribut de Dieu, une manière de le qualifier, de le désigner. Il est « Dieu juste et bon », il est la source de toute justice et de toute bonté. Jésus lui-même est appelé et reconnu comme le juste crucifié de manière injuste par un empire qui se prétendait juste (Lc 23, 47 et Ac 3, 14). C’est donc en le laissant habiter ses pensées et ses réflexions que l’homme recherche la justice de manière plus sûre. « Aimez la justice vous qui gouvernez la terre » demande le livre de la Sagesse en son premier verset (Sg 1, 1).
La justice ne saurait être réduite ni à sa dimension procédurale, ni à une conception formelle ou distributive. Dieu donne à chacun ce qui est bon pour lui. De même la justice des hommes cherche le bien pour chacun et spécialement pour les plus vulnérables. C’est en apprenant à donner humblement et courageusement sa vie pour les autres que grandit la justice. Ainsi, de même que la miséricorde n’exclut pas la justice, comme le rappelle souvent l’enseignement de l’Eglise, la justice ne peut se comprendre sans la miséricorde.