Rencontres et débats

NUMÉRIQUE : ANTI/ACCRO, TROUVER SA VOIE


Comment utiliser le numérique pour qu'il n'altère ni notre intériorité, ni nos relations ?

Une ambition : vous aider à discerner un bon usage du numérique et décider de son impact sur votre vie.

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Comment construire une parentalité numérique positive ?

Table ronde avec la participation de Gilles Vernet, instituteur, auteur et cinéaste et Florent Souillot, co-fondateur de l’association « Lève les yeux », association de sensibilisation aux risques sanitaires et sociétaux liés à l'envahissement de nos vies par les écrans.

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Numérique : qu’as-tu fait de notre âme ?

Table ronde avec Laurent Stalla-Bourdillon, théologien et Jean-Guilhem Xerri, psychanalyste, biologiste et auteur.

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Vivre connecté et rester humain ?

Table ronde avec Charleyne Biondi, autrice, docteure en science politique, diplômée de l'université de Columbia et de Sciences Po.

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Les tables rondes furent animées par des journalistes de RCF :

  • Stéphanie Gallet, rédactrice en chef Culture&Société
  • Etienne Pépin, rédacteur en chef actualité
  • Philippe Lansac, directeur éditorial

Cinq questions posées à ....

gilles vernet

« Nous risquons d’oublier que le virtuel n’est que partiellement réel… »

Entretien avec Gilles Vernet instituteur, auteur et cinéaste. Il interviendra le 1er février 16h aux cotés de Florent Souillot, co-fondateur de l’association « Lève les yeux » pour répondre à la question « comment construire une parentalité positive ? ».

Vous enseignez en classe de CM2. Concernant le numérique vous parlez de « loup dans la bergerie » Percevez-vous chez vos élèves les effets du numérique ?

Le loup dans la bergerie c’est le smartphone ! Il est entré dans nos vies, comme par effraction, nous connectant jusque dans le cocon familial, professionnel et notre sphère la plus intime.

À partir de 2010 quand les smartphones et les tablettes se sont généralisés, j’ai constaté chez mes élèves une difficulté croissante à rester concentrés, une perte d’attention en générale et surtout une incapacité à attendre, à accepter le vide, cet « ennui » propice à l’imagination.

Progressivement ils disposaient de moins en moins de mots pour s’exprimer, mais aussi d’expressions et de structures syntaxiques. Il y a aussi la solitude familiale dont ils témoignent lors de nos débats en classe : faisant face de toute part à des regards captivés par leurs écrans, ils n’ont souvent d’autre choix que de s’y jeter à leur tour, et de tomber pour beaucoup d’entre eux dans une addiction qui nuit à leur plein développement et à leur confiance en eux-mêmes.

Alors il y a bien sûr des effets positifs quand les enfants sont guidés par leurs parents et qu’ils vont consulter des contenus enrichissants ou divertissants mais malheureusement ce n’est pas l’utilisation du numérique qui est faite le plus généralement.

Quelles ont été les conséquences de la crise Covid ?

Cette crise a considérablement accru l’emprise du numérique sur nos vies. Pendant le Covid, on a appris à coexister au sein de la sphère familiale, tous connectés à Internet, mais de moins en moins entre nous. Depuis on revient à la raison, mais certains usages se sont ancrés dans nos vies professionnelles et personnelles.

Pour les plus jeunes c’est une catastrophe. Avec le confinement et le retranchement sanitaire chez soi, le numérique est apparu comme un « safe heaven », un paradis sûr, sur lequel on pouvait toujours compter pour continuer à échanger et qui ne risquait pas de nous contaminer.

N’y a-t-il de salut que dans la déconnexion ? Comment trouver sa voie ?

Dans un monde interconnecté et de plus en plus digital, la déconnexion totale n’est pas une option. Tout l’enjeu tient dans ces deux mots : choix et mesure.

Les écrans sont omniprésents et trop souvent enfants comme adultes se connectent aux écrans plus par habitude que par choix véritable. Il y a aussi des techniques addictives savamment mises en œuvre par les petits génies de la Silicon Valley. En prendre conscience aide à sortir de la culpabilité et à reprendre son destin en main.

L’idée clé est d’alterner les rythmes pour réserver des temps déconnectés, dédiés à la « résonnance » comme le plaide Hartmut Rosa : résonnance avec ses proches, résonnance avec la Nature, avec l’art ; autrement dit pour entrer en relation avec le monde en dehors du truchement des écrans. Sinon nous risquons d’oublier que le virtuel n’est que partiellement réel…

Qu’attendez-vous de cette journée aux Bernardins ?

La question de la spiritualité est sous-jacente à l’enjeu numérique. J’interviens souvent en conférences dans le cadre de l’enseignement catholique, auprès des élèves comme des chefs d’établissement, car une question particulière s’y pose : comment face à l’invasion des écrans maintenir vivant le lien à l’intériorité, à la prière, à Dieu, bref ce religere qui est le cœur battant de toute religion.

J’attends donc beaucoup du partage que nous pourrons avoir tant lors de la table ronde que lors de l’échange avec le public. Je suis convaincu que ces moments de lien et de mise en partage de nos réflexions seront d’un grand enrichissement.

Vous travaillez sur « la déconnexion heureuse » un film pour Public Senat avec vos élèves. Pourriez-vous nous en parler ? Comment est né le projet ?

Ce film est né d’une impérieuse nécessité à force de constater, année après année, les effets délétères de l’envahissement numérique sur mes élèves. Tout mon engagement en tant qu’instituteur est d’apprendre à mes élèves – outre les maths dont je suis fan – à bien exprimer leur pensée, leurs réflexions et leurs émotions. Une société dont les citoyens ne disposeraient plus de suffisamment de mots pour élaborer leur pensée, partager leurs émotions – hors émojis – ou définir leurs choix politiques et sociétaux me paraît cauchemardesque. Comme le disait Pierre Bourdieu le capital langagier est un instrument de pouvoir à l’image du capital financier.

Que veut un professeur sinon l’émancipation – intellectuelle, affective et matériel – de ses élèves pour qu’ils deviennent des citoyens responsables et épanouis ? Le documentaire filmera leurs réflexions communes en classe, puis leur proposera une expérience inédite : passer dix jours d’hygiène digitale, au vert. Dans cet écrin de nature, loin de l’agitation citadine, tout écran éteint, les enfants témoigneront des effets produits, du manque jusqu’à la redécouverte les plaisirs simples des interactions vivantes.

Biographie de Gilles Vernet

Ancien trader dans les grandes banques internationales, Gilles Vernet a tout quitté en 2001 après avoir appris que sa mère était atteinte d’une maladie incurable. Il a écrit des scénarii pour la télévision et est devenu instituteur, auteur et cinéaste. Il a réalisé le film « Tout s’accélère » sorti au cinéma en en 2016 dans lequel ses élèves s’interrogent sur le sens de notre course contre le temps.

Le film a été plébiscité par le public et la critique. Il a également réalisé « À nous l’opéra ! » qui interroge la place de l’art dans l’éducation en retraçant la fabuleuse aventure de sa classe qui a écrit et monté un opéra-ballet mythologique en collaboration avec l’Opéra de Paris. Il donne aujourd’hui des conférences sur ces questions, ainsi que sur l’impact du numérique sur l’éducation et notre perception du temps. Il a publié chez Bayard en février 2021 « Tout l’or du monde », véritable hymne à l’enseignement et mise en abime de la prépondérance de l’argent dans notre monde et dans nos vies.

Avec :
Charlène Biondi
Docteure en science politique, chercheur-associée au Cevipof.
Bruno Patino
Président d’Arte, professeur associé à Sciences Po et essayiste.
Florent Souillot
Responsable du numérique aux éditions Gallimard-Flammarion, co-fondateur de l'association Lève les Yeux.
Jean-Guilhem Xerri
Psychanalyste, coach et essayiste

En partenariat avec :

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